Comptine de Noël
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 23 décembre 2022 11:33
- Écrit par Claude Séné
Vous vous souvenez peut-être de cette ancienne comptine en forme d’exercice de prononciation digne des chaussettes de l’archiduchesse, bâtie autour d’une allitération sur un certain « grand gros gras grain-d’orge », dont il existait aussi une version à partir du petit pot de beurre. Depuis quelque temps, chaque fois qu’un mouvement social échappe à la logique traditionnelle qui prévalait auparavant, on a pris l’habitude d’évoquer une référence à la mobilisation des gilets jaunes sur les ronds-points. C’est ainsi que s’est forgé le néologisme de « giletjaunisation » qui sonne comme un barbarisme aux oreilles puristes dont je fais partie.
J’ai donc imaginé une nouvelle comptine, qui donnerait à peu près ceci : « Jean, joli gilet jaune, quand te déjoli gilet jauniras-tu ? Je me déjoli gilet jaunirai, quand tous les gens, jolis gilets jaunes, seront déjoli jaunirés ! » Essayez, c’est loin d’être facile. Blague à part, le mouvement de grève qui affecte la SNCF et les usagers des trains, est une illustration du décalage entre les procédures en vigueur en cas de conflit social et la réalité du terrain. Le droit de grève, reconnu officiellement quoiqu’à contrecœur par les gouvernants, est cependant encadré. C’est ainsi qu’il est obligatoire de déposer un préavis 48 heures à l’avance et que les employés se déclarent en grève suffisamment tôt pour permettre une organisation du service avec les non-grévistes. Le préavis doit être déposé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives. Or, le taux de syndicalisation a tendance à baisser énormément en France, et le mouvement des contrôleurs a pris naissance sur les réseaux sociaux, en dehors des syndicats, qui n’ont d’ailleurs pas appelé à cesser le travail. Les organisations syndicales ont simplement déposé des préavis, pour le cas où.
Comme au temps des gilets jaunes, il n’y a donc pas de représentants du mouvement avec lesquels la direction pourrait discuter. Elle a formulé de nouvelles propositions, dont on se demande pourquoi elle ne les a pas mises sur la table auparavant, auprès des syndicats, qui n’ont aucun mandat de négociation, et devront donc les soumettre à la base, ce qui n’est pas plus mal, mais plus long et compliqué. Il n’y a guère qu’une chose qui n’a pas changé, c’est que les compromis sont basés sur des rapports de force. La baisse du chômage et la difficulté à recruter du personnel dans des métiers dits « en tension » ont quelque peu changé la donne et ont forcé les employeurs à être plus attentifs au niveau de rémunération et aux conditions de travail, dans la restauration notamment. Cette évolution générale semble avoir échappé au directeur de la SNCF, qui a, apparemment, sous-estimé la détermination des cheminots en pensant qu’ils n’oseraient pas aller jusqu’au bout de l’impopularité inévitable d’une grève en période de fêtes. C’est dans ces circonstances que le patronat peut regretter l’affaiblissement des syndicats, auquel il a largement contribué, au profit des générations spontanées de contestataires imprévisibles.