Pardon Fabrice
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le dimanche 6 novembre 2022 10:36
- Écrit par L'invitée du dimanche
Pour t’avoir oublié dans mon panthéon des humoristes, tu aurais dû être en tête de liste !
Je t’ai oublié, parce que tu n’es pas friand des médias, tu préfères de loin le contact direct avec le public pour du vrai théâtre.
Je parle de Fabrice Luchini, cet homme-orchestre, ce virtuose qui sait mélanger la grande poésie, la littérature, la philosophie, capable d’être acteur et diffuseur de culture, la sienne étant remarquable, dans un genre unique.
Il est né en novembre 51, « au milieu des asperges, des carottes et des clémentines » à Paris, d’un père épicier et d’une mère femme de ménage. Exceptionnellement, il a donné l’autorisation de filmer un de ses spectacles, intitulé « Des écrivains parlent d’argent » **. J’ai écouté sa diffusion le 31 octobre.
Pendant 1 h 46, Fabrice, tu m’as fait me sentir aussi intelligente que toi !
C’était jubilatoire de suivre ses comptes rendus de lecture, à travers le fil rouge de l’argent, le sérieux flirtant avec le comique, grâce à son don exceptionnel d’orateur, ses qualités d’acteur (césarisé deux fois) et sa capacité de créer des liens dans une véritable osmose avec son public.
Les auteurs sélectionnés nous renvoient à notre actualité, et à l’universalité de notre rapport à l’argent.
Quelques fragments…
En 1890, Zola dans « l’argent » s’en prend à Monsieur Buche, rachetant des entreprises à l’agonie pour une bouchée de pain, afin de les revendre plus tard beaucoup plus cher.
Dans le monologue de Simon d’Athènes de Shakespeare, « la tête savante fait plongeon devant l’imbécile cousu d’or » cet argent qui suffirait à rendre le noir blanc et la vieillesse jeunesse...
L’argent dans l’état avec Ruy Blas, et la réunion de tous les ministres « donnez-moi vos nègres, je vous donnerai mes forêts… Ô ministres intègres, conseillers vertueux, soyez flétris devant votre pays qui tombe, voilà votre façon de servir, vous n’avez d’autres intérêts que de remplir votre poche »
La Fontaine (le plus grand) bien sûr, n’est pas oublié et sa fable « l’homme au trésor caché »
Il fait référence aussi bien à Guitry, « être riche n’est pas d’avoir de l’argent, mais c’est d’en dépenser, l’argent a de la valeur quand il sort de votre poche pas quand il y rentre » qu’à Marx, « l’argent fait fraterniser les impossibles » et à Pascal Bruckner dans « la sagesse de l’argent », citant Lénine qui fit « promesse aux prolétaires de créer des toilettes en or dès l’avènement mondial du communisme une fois ce métal dépouillé de toute valeur ». *
Et puis il y a Céline, Péguy, Cioran…
Les extraits de « cet ancien pauvre » n’ont pas été choisis au hasard, ils sont très orientés, même s’il dit qu’il ne peut pas être de gauche, car il faut des qualités humaines supérieures qu’il ne possède pas.
La conclusion de son spectacle est une profession de foi, citant Nietzsche « je veux nuire à la bêtise », il dit à son public, « ce soir modestement, avec vous, grâce à vous, nous avons essayé de nuire à la bêtise ». Ce public qui ne vient pas « te voir jouer, mais jouer avec toi » lui a dit Michel Bouquet un de ses maîtres à penser.
Heureux ceux qui pourront aller jouer avec lui dans « La Fontaine et le confinement » au théâtre Montparnasse.
L’invitée du dimanche
**à écouter en replay sur mytf1
*en 2014, Kim Kardashian a fait installer des w.c. en or pour 550 000 $. Lénine a été entendu, pas par ceux qu’il espérait.
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