L’article de la mort…
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 20 octobre 2022 10:46
- Écrit par Claude Séné
… de la démocratie. Bon, j’exagère un peu. L’article 49 de la Constitution, qui permet, grâce à son alinéa 3, de faire adopter sans vote un texte de loi, ne suffit pas à lui seul à assassiner le fonctionnement démocratique de notre pays. De plus, il a été utilisé à de nombreuses reprises par des gouvernements de divers bords politiques, mais son évolution récente appelle à de nouvelles réflexions. En effet, si Élisabeth Borne a été amenée à engager la responsabilité de son gouvernement au nom de cette disposition constitutionnelle, ce n’est en aucun cas parce que les discussions des parlementaires sur le budget auraient été en voie d’enlisement.
Au contraire. On a rarement vu sous la 5e république une assemblée travailler de façon aussi transpartisane et adopter autant de dispositions consensuelles, comme la taxation des superprofits, venant de divers horizons, appartenant ou non à la majorité relative gouvernementale. Et quand bien même, s’il avait fallu rallonger quelque peu la durée de la session, pour une fois que le fonctionnement parlementaire dérogeait à la routine des votes acquis par avance et de la sacro-sainte discipline de groupe, Paris valait bien une messe laïque. Le calendrier parlementaire a beau être chargé, le budget de la nation est une affaire d’importance et justifie une urgence absolue, quitte à retarder des textes tels que la réforme de la retraite, qui est, par définition, une décision concernant un moyen terme, et dont le futur immédiat n’est pas inquiétant, le régime étant à l’équilibre, voire excédentaire actuellement. En utilisant le 49.3, le pouvoir exécutif enjambe le débat parlementaire et prive l’opposition d’une tribune et de la démonstration de sa force de proposition, mais aussi, et c’est paradoxal, prive également la majorité relative des députés qui soutiennent encore son action d’enrichir de leurs contributions un projet conçu dans le secret des cabinets ministériels.
Car le résultat le plus clair de ce déni de démocratie sera de donner pleins pouvoirs au président de la République, qui, en dernier ressort, décide de tout, y compris des amendements déjà votés par les députés, qu’il retiendra ou non. Autrement dit, tout le travail parlementaire de cette session peut être annulé d’un trait de plume selon le bon vouloir d’un seul homme. Et si le message n’était pas assez clair, Emmanuel Macron a brandi la menace de la dissolution de l’Assemblée nationale au cas où son gouvernement serait contraint à la démission par le vote d’une motion de censure. La ficelle est grosse, mais efficace. Les députés Nupes ne mêleront pas leurs voix à celles du Rassemblement national et réciproquement, tandis que les Républicains ne veulent tout bonnement pas prendre le risque de perdre leurs derniers députés dans des élections incertaines. Et les Français observent la pantomime en attendant que le funambule de l’Élysée finisse par tomber tout seul du haut de son piédestal.