Turpitudes

Je ne comptais pas revenir sur le sujet des éoliennes dont j’ai dit quelques mots hier, sans l’invitation faite par France Inter ce matin même au Secrétaire d’État chargé de la mer, qui m’a permis de redécouvrir l’existence d’Hervé Berville, dont la nomination le 4 juillet dernier à ce poste important m’avait quelque peu échappé. Il était chargé du service après-vente de l’inauguration du parc de Saint-Nazaire par le président en personne, une tâche de prosélyte à laquelle il est rompu puisqu’il était déjà porte-parole du groupe LREM à l’Assemblée nationale dans la mandature précédente.

L’exercice était d’ailleurs presque un sans-faute, avec une maîtrise consommée de la langue de bois, à l’exception d’une phrase, qui m’a fait sursauter dans la léthargie de ce genre de discours convenu qui consiste à justifier en toutes circonstances la politique voulue par le chef. Répondant à une question du journaliste, le Secrétaire d’État à la mer évoquait les délais de mise en service des projets, plus longs que dans d’autres pays, qu’il attribue à un « manque de planification » et « une stratégie de coup-par-coup » avec « toutes les turpitudes que cela peut amener ». Je me suis alors promis de vérifier si mon vocabulaire ne me trompait pas sur le sens de ce terme, car, pour moi, le mot turpitude est associé à des comportements que la morale et parfois même la loi réprouve. Ce qui laisserait entendre qu’il y aurait ce que l’on appelle en langage courant des magouilles pour profiter de la manne financière engendrée par des chantiers pharaoniques. De la part d’un responsable politique qui gravite dans les plus hautes sphères de l’état, c’est pour le moins inquiétant.

Plusieurs hypothèses peuvent expliquer cette forme de sortie de route. Hervé Berville dispose peut-être d’informations dont nous n’avons pas connaissance. Personnellement, j’en doute. Il se serait bien gardé d’évoquer le sujet, même allusivement. À moins qu’il n’ait été victime d’un lapsus freudien, en dévoilant par maladresse apparente, une vérité gênante lui pesant sur la conscience. Ou encore, mais cela me gêne d’envisager cette explication, il ne connait pas bien le sens du mot qu’il a employé, ce qui la fiche mal quand on occupe des fonctions de représentation et que l’on a, comme son illustre mentor, suivi une classe préparatoire aux grandes écoles littéraires. Lui aussi a fait bifurquer son itinéraire personnel par la suite en se tournant vers l’économie, sûrement plus lucrative que la littérature, mais il a peut-être en chemin laissé quelques failles dans un parcours « d’honnête homme » comme on disait au 17e siècle. Je me permettrai de lui suggérer de remplacer ce terme péjoratif par celui de vicissitudes, plus neutre, et qui représente probablement mieux le fond de sa pensée.