La stratégie de la gaffe
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 25 mai 2022 10:53
- Écrit par Claude Séné
Le président Joe Biden semble être un spécialiste des petites phrases maladroites qu’il a ensuite beaucoup de mal à justifier, ainsi que son administration qui doit sortir les avirons à chaque déclaration malencontreuse. La dernière en date concerne l’attitude des États-Unis en cas d’intervention militaire de la Chine sur l’ile sécessionniste de Taïwan. Répondant à la question d’un journaliste lui demandant si son pays soutiendrait militairement l’ile en cas d’invasion de la République Populaire de Chine, le président a assuré que oui, alors que la doctrine officielle est toujours de rester dans une « ambiguïté stratégique ». Pas de reconnaissance de Taïwan, mais aide en cas d’invasion.
La Chine n’a pas manqué de dénoncer cette attitude qui semble marquer un engagement clairement belliciste pouvant entraîner un conflit mondial sur un malentendu. La diplomatie américaine doit à présent s’employer à expliquer que la position des États-Unis n’a pas changé. La capacité de Joe Biden à parler d’abord et réfléchir ensuite a déjà fait des dégâts en Ukraine quand il a annoncé le non-interventionnisme américain, équivalent à un encouragement à la Russie de Poutine d’envahir le territoire de son voisin. Une bévue qui coûte cher au peuple ukrainien, à la sécurité dans le monde, et aux États-Unis eux-mêmes, embarqués dans des dépenses militaires considérables. L’ancien président Georges W.Bush, du camp républicain quant à lui, n’a pas voulu être en reste et nous a régalés d’une boulette magistrale, un lapsus révélateur quand il a dénoncé « la décision d’un seul homme de lancer une invasion brutale et injustifiée de l’Irak…, pardon de l’Ukraine ». À ce degré-là, ce n’est plus une gaffe, c’est une œuvre d’art. Ou comment s’incriminer soi-même, 19 ans après avoir déclenché une opération en mentant sciemment au congrès sur de soi-disant armes chimiques ? Ces aveux tardifs ne répareront pas les dégâts matériels et surtout humains de cette guerre du Golfe, deuxième du genre.
C’est assez effrayant de constater que le sort de la planète est entre les mains de personnages souvent maladroits, en tout cas faillibles, quand ils ne sont pas carrément psychopathes. Le prototype de ces spécialistes de la gaffe semble rester à tout jamais pour les Américains l’ancien président Gérald Ford, dont Lyndon Johnson disait qu’il était incapable de faire deux choses à la fois, telles que marcher tout en mâchant du chewing-gum. Une réputation pas tout à fait usurpée puisque Ford est resté célèbre pour sa chute en descendant d’Air Force One. Contrairement à lui, Biden, malgré ses 79 ans, a toujours bon pied bon œil, et semble faire volontairement ces gaffes, pour démontrer qu’il reste le commandant en chef et qu’il entend utiliser ses prérogatives jusqu’à la fin de son mandat. On n’ose imaginer ce qu’aurait fait Donald Trump en pareilles circonstances.