On l’a échappé belle !

Malgré l’annonce que le futur gouvernement serait connu dans l’après-midi d’hier, je dois vous avouer que je n’ai pas passé mon temps l’oreille collée au transistor comme au bon vieux temps des « évènements » de mai 1968. J’ai donc été informé par bribes, au hasard des bulletins, des nominations des ministres. J’ai sursauté en entendant le nom de Ndiaye pour succéder à Jean-Michel Blanquer, car j’ai cru sur le moment qu’il s’agissait de l’ancienne porte-parole du gouvernement Philippe, au prénom prédestiné de Sibeth. Si vous avez oublié jusqu’aux interventions musclées de l’ancienne politique, je vous rappelle sa confirmation brutale de la disparition de Simone Veil : « la meuf est morte » en guise d’oraison funèbre.

J’étais donc prêt à réviser mon opinion selon laquelle personne ne pourrait faire pire que Jean-Michel Blanquer au ministère de l’Éducation avant de comprendre ma méprise. C’est Pap Ndiaye, qui n’a rien à voir avec Sibeth, mais tout avec Marie NDiaye, sa sœur, prix Goncourt 2009, qui accède à ce poste difficile et exigeant. Pap Ndiaye, historien et universitaire reconnu, est d’ailleurs la seule véritable surprise de ce gouvernement. Aux antipodes de son prédécesseur, il pourrait incarner la caricature de ce qu’une certaine droite déteste le plus : ce soi-disant islamogauchisme universitaire, la « cancel culture » et le « wokisme » qu’il aurait contribué à importer des États-Unis où il a étudié. Le Rassemblement national ne s’y est pas trompé en concentrant ses critiques sur le nouveau ministre, qualifié de militant immigrationniste, sans le moindre début de preuve, si l’on excepte sa couleur de peau, à laquelle le RN ne fait pas la moindre allusion. Pap Ndiaye, lui, revendique le symbole de la diversité qu’il incarnerait et se définit comme un exemple de la méritocratie républicaine, avec un manque de modestie rafraichissant dans le monde politique corseté que nous connaissons.

Pap Ndiaye va probablement bénéficier d’un préjugé favorable dans le monde enseignant du fait de son parcours, mais il va devoir très vite donner des gages et démontrer qu’il a été investi des pouvoirs nécessaires à un changement radical de politique. Le monde médiatique a l’habitude de juger les politiques à l’aune de leur origine et de leurs antécédents. C’est en réalité sur leur projet et leur capacité à le mettre en œuvre qu’il faudrait se fonder. Deux chantiers principaux attendent le ministre au tournant : permettre la réussite scolaire de tous les enfants et les jeunes dans des conditions d’épanouissement et de développement personnel, et rendre de l’attractivité au métier d’enseignant avec une juste reconnaissance de leur travail. Ces deux objectifs sont d’ailleurs complémentaires, et beaucoup plus importants que de laisser son nom à une énième réforme du baccalauréat. On ne peut que lui souhaiter bonne chance.