Encore le cabri !

Mais si, vous savez bien, le fameux cabri servant d’illustration en 1965 à De Gaulle pour imager le comportement de politiques qui sauteraient sur leur chaise comme ce quadrupède en disant : « l’Europe, l’Europe, l’Europe ! » avant d’ajouter qu’il faut prendre les choses comme elles sont. Merveilleuse tautologie que l’on peut mettre à toutes les sauces. Emmanuel Macron, qui prend le rôle de président tournant du Conseil de l’Union européenne très au sérieux, a profité de ses derniers jours dans ce rôle honorifique pour sortir quelques propositions de son chapeau.

Assez peu en cour auprès des dirigeants ukrainiens du fait des liens qu’il a tenu à conserver avec Vladimir Poutine malgré les crimes de guerre qu’il se refuse à qualifier de génocides, il offre un strapontin à Volodymyr Zelenski dans une nouvelle organisation européenne créée spécialement pour l’occasion, en attendant une adhésion de plein droit à la communauté des 27 états membres, qui demandera des années. Ce lot de consolation fait penser aux compétitions européennes de football. L’épreuve reine, c’est la ligue des Champions, mais à défaut, le FC Nantes ne fera pas la fine bouche sur la ligue Europa après sa victoire en Coupe de France. Au passage, Macron, qui recycle ainsi une idée de François Mitterrand, se verrait bien rattraper par le fond de culotte un Royaume-Uni sorti par la porte qui reviendrait au bercail par la fenêtre, et faire patienter les pays candidats potentiels à un élargissement de l’UE. Se pose alors un minuscule problème : la révision des traités européens qui régissent les relations entre les états au sein de l’union.

Pendant la campagne présidentielle, ses troupes ont cependant voué aux gémonies et cloué au pilori tous ses adversaires qui envisageaient de ne pas se conformer à la virgule près à des traités supposés gravés dans le marbre, mais c’est à présent complètement possible. Je lui souhaite cependant bien du courage pour faire admettre la règle principale sans laquelle rien ne sera possible : l’abandon de l’unanimité nécessaire aux décisions et le passage à une majorité qualifiée. Il suffit pour s’en convaincre d’observer l’attitude de certains pays vis-à-vis des sanctions envisagées contre la Russie boycottant le pétrole ou pire encore le gaz naturel. Ce sera très difficile pour l’Allemagne et pratiquement impossible pour la Hongrie, dont le président est au bord de la rupture avec l’Europe presque en permanence et sur la plupart des sujets. Cette nouvelle organisation européenne, si elle voit le jour, aura aussi pour tâche délicate de garantir la paix sur le continent dans le respect des états et de leurs frontières. Et c’est bien là où le bât blesse tant que la Russie, quel que soit le régime qui la gouvernera, n’aura pas reconnu ses voisins, anciens membres ou non de l’ex-URSS, dans des frontières sûres et garanties par le droit international.