Ensemble séparés

La conclusion d’un accord entre les partis de gauche en vue des élections législatives prochaines a éclipsé la formation annoncée par le président Macron tout juste réélu d’un mouvement similaire autour de sa personne. Au point de le rendre totalement invisible dans la population, hormis pour les quelques militants qui suivent de près l’actualité politique. Exit le projet d’une « maison commune », d’un parti unique qui accueillerait toutes les nuances de soutien au président. Il y aura bien un mariage entre les différentes factions macronistes, mais un ménage à trois, où chacun restera chez soi. Il y aura simplement un accord électoral de partage des circonscriptions au sein d’une « confédération » de partis indépendants les uns des autres, ceux de « l’extrême centre ».

Comme dans le poème d’Aragon mis en musique par Jean Ferrat, les futurs députés, comme une étoffe déchirée, vivront donc « ensemble séparés ». Ensemble, parce que l’alliance portera ce nom évocateur, et séparés parce que chacun gardera son identité. Enfin, presque. Le parti présidentiel va changer de nom. La République en Marche va désormais s’appeler « Renaissance » comme la liste du même nom pour l’Assemblée européenne, ou plus baroque encore, le microparti de Clémentine Autain, qui a dû omettre de déposer la marque. Dans le nouvel « Ensemble ! », on retrouve sans surprise le Modem de François Bayrou, qui ne pèse plus grand-chose à lui tout seul et végète dans un haut-commissariat au plan dont on cherche toujours l’utilité, et le parti « Horizons », d’Édouard Philippe, que Macron n’est pas parvenu à dissoudre dans sa majorité. Dans le dépeçage électoral à venir, l’enjeu est de parvenir à conserver la plus grande partie des sièges de députés de la majorité présidentielle, malgré des défections inévitables de déçus de la Macronie qui auront mesuré le peu d’influence dont ils disposaient au sein de l’Assemblée nationale.

Il y aura toujours des Manuel Valls pour compenser les départs, et peut-être des membres de LR échaudés par le score de Valérie Pécresse, voulant voler au secours de la victoire, vivement encouragés en cela par Nicolas Sarkozy pour tromper son ennui. L’objectif à gauche sera similaire pour les candidats qui se réclameront de la coalition au nom imprononçable, la NUPES, nouvelle union populaire écologique et sociale. Rien n’est joué, car le mode de scrutin permet, en fonction du pourcentage d’abstention, de se maintenir pour le 2e tour avec 12,5 % des inscrits, provoquant ainsi des triangulaires ou des quadrangulaires qui réservent leur lot de surprises. Voilà donc ressuscité le vieux clivage droite-gauche dont Emmanuel Macron se vantait de l’avoir rendu obsolète, juste au moment de l’anniversaire du Front populaire de mai 1936. « C’est si peu dire que je t’aime », disait Louis à Elsa. Et si le peuple de gauche, si souvent déçu, déclarait sa flamme à une 6e république, plus juste et plus humaine ?