La balle au centre ?

L’incident n’a pas fait l’ouverture des journaux télévisés. Cependant il me parait assez exemplaire du climat de cet entre-deux tours, qui montre surtout le désarroi de nombreux citoyens qui ne savent plus à quel candidat se vouer, quand aucun de ceux qui sont proposés à leur choix ne leur convient. Pendant la conférence de presse donnée par Marine Le Pen, deux militants écologistes, qui avaient réussi à se faufiler en prétendant être envoyés par le média Russia Today, ont perturbé le déroulement de l’exercice de questions-réponses de la candidate avec la presse.

Pendant que le jeune homme lisait une pseudo-lettre de Vladimir Poutine à Marine Le Pen, où il se plaignait ironiquement qu’elle ne lui donne plus signe de vie, la jeune femme brandissait une pancarte en forme de cœur représentant Vladimir et Marine en pleine lune de miel. Pour des raisons inconnues, c’est sur cette militante que s’est portée la riposte musclée du service de protection de la candidate, qui l’a mise au sol avant de la traîner sur le dos hors de la salle en la tirant par les mains. Inévitablement, la vidéo a fait instantanément le tour des réseaux sociaux, avec un effet d’image désastreux pour la candidate. Interrogée à ce sujet, Marine Le Pen s’est défaussée sur le ministre de l’Intérieur, responsable de la sécurité des candidats, tandis que Gérald Darmanin rejetait la faute sur le service d’ordre du Rassemblement national. Une rapide enquête montre qu’ils ont raison, ou tort, tous les deux, c’est-à-dire qu’ils sont à mettre dans le même panier. En effet, c’est bien un policier qui a plaqué la militante comme un rugbyman, mais ce grand gaillard a trouvé le moyen de se blesser en déséquilibrant une frêle jeune femme qui doit peser une cinquantaine de kilos au grand maximum et encore.

C’est donc en effet un membre du service d’ordre du mouvement qui a pris le relai et expulsé la dangereuse manifestante qui n’a d’ailleurs opposé aucune résistance. Le commando peut se vanter d’avoir réussi son coup, dont les méthodes rappellent celles des Femens, nudité en moins. Les deux militants, dont l’une est élue municipale à Boulogne Billancourt sous l’étiquette EELV, où elle a fort à faire avec un maire les Républicains qui lui coupe le micro si elle demande l’égalité entre les hommes et les femmes, font partie du collectif Ibiza, qui s’est fait connaître en mettant en scène un faux Jean-Michel Blanquer faisant la fête pendant la crise du Covid. Cette escarmouche de la conférence de presse a donné lieu à une passe d’armes dont personne ne sort grandi devant la mesquinerie des arguments échangés de part et d’autre, chacun accusant l’autre de mépriser les policiers, ce qui n’était vraiment pas le sujet. Alors, un partout, la balle au centre ? Ça, c’est que voudrait Emmanuel Macron, pour faire oublier que sa fameuse jambe gauche a disparu corps et biens comme un croiseur russe dans la mer Noire.