Autopsie d’un homicide
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 4 avril 2022 11:10
- Écrit par Claude Séné
Voici comment Clément Lanot, un journaliste indépendant, rendait compte le 28 mars dernier sur Twitter de la mort d’un homme à Sevran dans la région parisienne : « Samedi, la police a ouvert le feu sur un homme après le vol d’un camion. Il est décédé ». Comme souvent en pareil cas, les rumeurs ont circulé et des manifestations se sont produites, donnant lieu à cinq nuits consécutives de violences et d’affrontements avec la police. Des voitures et des poubelles ont été incendiées, et des projectiles lancés sur les forces de l’ordre ainsi que des tirs de mortier d’artifice.
Un peu plus d’une semaine après les faits, les circonstances de cette mort sont mieux connues. La victime, Jean-Paul, un autoentrepreneur dans le domaine de la livraison, circulait dans une camionnette que son employeur avait déclarée volée suite à un litige commercial entre eux. Jean-Paul avait eu un passé de délinquant, mais depuis longtemps il s’était acheté une conduite et il était très apprécié dans son secteur. Le policier qui l’a tué fait partie de la Bac et aurait repéré la camionnette supposée volée à un feu rouge. Il descend alors seul du véhicule banalisé et s’apprête à contrôler le chauffeur, sans le moindre brassard qui attesterait de sa qualité de policier. La camionnette repart brusquement, et le policier « se sentant menacé » et en état de « légitime défense » tire une balle de 9 mm avec son arme de service. Elle traversera la carrosserie, le dossier du siège et finira sa course dans l’omoplate de la victime, qui succombera à cette blessure.
Le policier a été mis en examen pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, par personne dépositaire de l’autorité publique et avec arme » et laissé en liberté sous contrôle judiciaire. Cette relative clémence n’est pas de nature à calmer les esprits, alors qu’il encourt une peine pouvant aller jusqu’à 20 ans de prison. On peut aussi légitimement se demander la pertinence de la qualification de cet homicide. Un policier entraîné au maniement des armes peut-il ignorer que son tir, avec cet angle, faisait courir un risque de létalité important ? L’enquête devra aussi déterminer si aucune considération raciste n’a joué un rôle dans le déroulement des opérations. Quant à l’appréciation de l’état de légitime défense, elle ne parait pas acquise d’office, comme certains syndicats de policiers la réclament. Si ce n’était pas aussi tragique pour un homme et sa famille, on penserait au sketch des Inconnus, dans lequel ils tentent de séparer le bon grain de l’ivraie en distinguant le bon et le mauvais chasseur. Ici, ce serait le bon et le mauvais policier. Le bon policier, bon, il tire, d’accord, mais c’est un bon policier. Tandis que le mauvais policier, lui, il tire, quoi. Et les habitants des « quartiers » se sentent pris pour cible comme de vulgaires galinettes cendrées.