Une précision diabolique
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 30 décembre 2021 10:38
- Écrit par Claude Séné
Parmi les mesures envisagées par le gouvernement pour essayer de freiner la progression du variant Omicron du Covid-19, le recours obligatoire au télétravail qui a été annoncé se caractérise par un mélange de précision et de flou artistique poussé à son paroxysme. Le Premier ministre a en effet annoncé que le télétravail deviendra obligatoire « quand il sera possible », au moins trois jours par semaine, à compter du 3 janvier. Si le simple bon sens permet généralement de constater que certains travaux ne peuvent pas, matériellement, s’exécuter à distance, tous ceux qui seront dans la zone grise prêteront évidemment à contestation.
Tant que cette pratique demeurait optionnelle, et que dans un certain nombre de cas, elle recueillait l’assentiment des salariés, qui y trouvaient des avantages sur le temps de trajet notamment, et même de la part des chefs d’entreprise qui constataient parfois des gains de productivité, la mesure ne posait pas trop de difficultés, et présageait même d’une évolution dans le rapport au travail. Tout n’était cependant pas forcément rose dans cette pratique. Les salariés ne disposent pas tous d’un espace, d’une infrastructure adaptée, de communications suffisantes, bref, de conditions de travail convenables à leur domicile. Certains patrons constatent aussi un manque d’émulation, d’échanges entre collègues pouvant nuire à l’efficacité, sans compter le soupçon récurrent sur le zèle de collaborateurs échappant à la surveillance permanente. L’obligation qui serait inscrite dans la loi change la donne. Qui va concrètement vérifier que les entreprises jouent le jeu, sinon le corps de l’inspection du travail, déjà submergé par des tâches quotidiennes auxquelles il peine à faire face ? Son avis sera bien difficile à rendre et il sera l’objet de pressions. Pas sûr que l’efficacité de l’obligation soit supérieure à celle de l’incitation actuellement en vigueur.
Les entreprises reconnues en infraction encourront une amende pouvant atteindre 1000 euros par salarié. On voit par-là que si l’état a beaucoup utilisé la carotte au cours des premières phases de la crise sanitaire, c’est maintenant visiblement le bâton qui est de sortie, comme on le voit également dans la gestion des faux pass sanitaires. Là aussi, la gestion des vérifications va alourdir la tâche des policiers, mobilisés pour des contrôles sans être déchargés de leurs occupations habituelles. Sans trop s’avancer, on peut imaginer que les nouvelles mesures s’appliqueront de façon très disparate sur le territoire national en fonction des contingences locales. Sans oublier que ces dispositions devront s’inscrire dans un cadre légal, qui suppose l’adoption d’une loi, soumise à vérification de constitutionnalité, qui, par les temps qui courent, ne serait pas acquise par avance. Presque toutes les mesures envisagées pour lutter contre la pandémie se heurtent à cette difficulté liée à une rupture d’égalité entre les citoyens, à commencer par les vaccinés et les non-vaccinés. Nous verrons ce qu’il en restera après l’effet d’annonce.