Obscénité
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 25 novembre 2021 10:56
- Écrit par Claude Séné
Il fallait bien que cela arrive un jour ou l’autre. Une trentaine de candidats à l’immigration en Angleterre se sont noyés au cours de la traversée entre Calais et Douvres. Leurs corps ont été repêchés par des marins qui, habituellement, sauvent des vies et n’ont rien pu faire pour ces malheureux naufragés, parmi lesquels se trouvaient des enfants et une femme enceinte. L’obscénité se trouve, de mon point de vue, dans l’analyse et les déclarations du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qui a fait le service minimum dans la compassion au profit de la dénonciation des seuls coupables selon lui, les passeurs.
Au fond, il ne fait d’ailleurs que reprendre l’esprit de la déclaration du président de la République, qui, à son habitude, règle les problèmes à grands coups de menton et de formules définitives. Cette fois, il annonce que « la France ne laissera pas la Manche devenir un cimetière » et fait appel à la solidarité européenne pour mettre en place une répression massive, dont les migrants feront les premiers les frais. La doctrine officielle ainsi établie, le catéchisme macronien a pu être récité par une autre ministre, Marlène Schiappa, toujours première à respecter l’orthodoxie majoritaire, même si elle doit se contredire à l’occasion. Gérald Darmanin a donc joint le geste à la parole en arrêtant sans attendre 5 passeurs, qui devaient être sous son coude, prêts à se faire prendre, et dont l’arrestation préalable aurait peut-être évité ce drame. Combien de passeurs sont encore dans la nature ? Probablement beaucoup, puisque Londres a recensé 22 000 migrants qui auraient réussi la traversée depuis le début de l’année, et les passages auraient doublé ces trois derniers mois. Les profits de ces exploiteurs de la misère humaine sont tellement énormes qu’ils suscitent sans arrêt de nouvelles vocations. Mais leur activité criminelle n’est que le résultat d’une situation créée par les états, incapables de réguler les mouvements migratoires engendrés par les inégalités économiques et autres.
Tant que des êtres humains seront prêts à prendre tous les risques, y compris au péril de leur propre vie, pour échapper à des conditions d’existence indignes se trouveront d’autres personnes pour tenter de tirer avantage de la situation. La distinction arbitraire entre les « bons migrants », ceux qui auraient gardé un droit d’asile parce que leur vie est menacée dans leur pays d’origine, et les « mauvais migrants » dont la vie n’est pas moins menacée par des conditions d’existence plus que précaires, ne fait rien pour clarifier le débat. Quand quelqu’un est prêt à mourir pour échapper à sa condition, cela vaut bien toutes les déclarations sur les persécutions dont d’autres sont l’objet. Que faut-il de plus aux gouvernements, français, anglais et autres ? Qu’ils meurent réellement ? Eh bien, nous y sommes.