Cuti-réaction

Je reconnais volontiers ne pas être un perdreau de l’année, et je peux dire que j’en ai vu pas mal sur la chose politique, un sujet qui m’a toujours intéressé depuis mon plus jeune âge, mais là, ça m’en a quand même bouché un coin en apprenant que deux personnalités connues pour leur appartenance au parti socialiste, où elles ont joué un rôle important, appelaient à voter au 2e tour des régionales en faveur de Valérie Pécresse, alors qu’il n’existe aucun risque d’élection du Rassemblement national. Il s’agit de Manuel Valls, ancien Premier ministre de François Hollande, et de Jean-Paul Huchon, ancien président de la région sous l’étiquette socialiste.

On ne présente plus Manuel Valls, qui a toujours été très « limite » dans son appartenance au PS, défendant des positions très contestables sur la sécurité et l’immigration, flirtant ouvertement avec la droite, et qui, à un moment, a fait ses offres de service à Emmanuel Macron, en mendiant sans succès un maroquin, voire une mission quelconque pour revenir en politique française. On ne peut donc pas dire qu’il a complètement viré sa cuti, mais on peut y voir la confirmation d’un naufrage pathétique, où il se raccroche à la bouée des Républicains qui ont le vent plus en poupe dans la région Ile de France que la République en marche. Il avait pourtant juré ses grands dieux que son départ pour la Catalogne, où il briguait la mairie de Barcelone, était un aller sans retour, quel que soit le résultat. Promesse non tenue, mais retour perdant. Son avis ne changera probablement le vote d’aucun électeur. Son temps est passé, ce qui fait de lui au sens le plus littéral un réactionnaire, partisan d’un passé où il avait son mot à dire.

Moins connu, Jean-Paul Huchon était surtout un apparatchik. Proche de Michel Rocard, il incarnait une baronnie locale et régionale, grâce à qui les têtes d’affiche contrôlaient le parti, au gré des alliances et des congrès. Il fait partie des chevaux de retour qui ont soutenu Macron à la présidentielle de 2017, y voyant sans doute une possibilité de revenir aux affaires. Il va au bout de sa logique de dérive à droite, en récusant son ancienne famille « naturelle », l’alliance des socialistes, des écologistes et des insoumis, pour soutenir la présidente sortante, Valérie Pécresse. Un autre signe de la perte de repères et de l’inconstance de la classe politico-médiatique, c’est le soutien inattendu de Philippe Val, ancien directeur de la publication à Charlie Hebdo, au journal Valeurs actuelles, poursuivi par Danielle Obono, députée de la France insoumise, pour une BD raciste la représentant en esclave soumise dans une politique-fiction. Là aussi, la surprise n’est peut-être pas totale si l’on se souvient de la rigidité dont a fait preuve le journaliste quand il a dirigé France Inter, faisant le vide à l’antenne en écartant les humoristes qui ne pensaient pas comme lui.