Série blanche

On savait déjà que les emmerdements volaient en escadrille, selon la formule de l’ancien président Chirac, mais on se prend à espérer qu’il pourrait en aller symétriquement des bonnes nouvelles. L’actualité judiciaire me parait aller dans cette direction avec des décisions qui vont plutôt dans le bon sens. C’est ainsi que le verdict prononcé hier sur l’affaire du meurtre de son mari, violent et proxénète, va permettre à Valérie Bacot de ne pas retourner en prison, sa condamnation à 5 ans de prison dont 4 avec sursis, étant couverte par la détention provisoire.

Signe d’une évolution des mœurs ? Dans une affaire assez similaire, Jacqueline Sauvage n’avait pas bénéficié d’une telle clémence, probablement parce que son cas était emblématique d’un concept rejeté par la justice, celui d’une légitime défense différée. Les avocates de Valérie Bacot ont bien retenu la leçon, et le profil bas a été payant pour leur cliente. Le calvaire subi par d’autres femmes, qu’elles aient ou non eu la force de porter plainte, n’en sera pas résolu pour autant, mais leur cause aura été entendue. Jusqu’au procureur, qui ne comprenait pas au départ l’incapacité de se défendre de Valérie Bacot avant d’en arriver à la dernière extrémité, qui a, semble-t-il, compris en modérant ses réquisitions.

Deuxième décision importante, la condamnation à 22 ans et demi de prison pour Derek Chauvin, meurtrier de Georges Floyd, qui avait déjà été jugé coupable et dont la peine restait à fixer. Plus difficile à apprécier pour nous, Européens, qui avons des systèmes judiciaires assez différents. Ce n’est ni le minimum, fixé à 12 ans, ni le maximum, qui allait jusqu’à 30 ans. Les plateaux de la balance symbolisant la justice semblent assez équilibrés. Là aussi, on espère que cette décision est le début d’un rééquilibrage dans le traitement des affaires comportant une dimension raciale, mais le chemin est encore très long.

Alors ? Jamais deux sans trois ? que pouvons-nous attendre de la demande de révision du procès d’Omar Raddad, le jardinier condamné à tort pour le meurtre de sa patronne, Ghyslaine Marchal, sans preuve réelle, qui a bénéficié de la grâce présidentielle, mais pas d’un acquittement lui rendant son honneur à défaut des années perdues définitivement. Les progrès scientifiques concernant l’ADN permettent aujourd’hui de mettre hors de cause le jardinier d’origine marocaine. C’est une autre personne qui a tracé la célèbre phrase « Omar m’a tuer », faute d’orthographe comprise, avec le sang de la victime. Ce qui exclut la thèse de l’accusation, déjà mise à mal par l’invraisemblance de cette inscription pour une personne aussi cultivée que Mme Marchal. Malgré les évidences, il ne faut pas se faire trop d’illusion. La justice déteste reconnaitre quand elle se trompe et la chose jugée a souvent force de loi, comme en témoigne l’affaire Seznec, où le doute n’a jamais profité à l’accusé, près de 100 ans après les faits.