Une java endiablée
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 6 mai 2021 10:43
- Écrit par Claude Séné
Charles Trénet l’avait imaginée en son temps, lorsque Lucifer nous envoyait un refrain qui rendait fous tous ceux qui l’entendaient, au point qu’un acteur connu en oubliait son texte et s’exclamait : « Le duc de Reichstadt, avez-vous dit ? Non, non (…) le grand Napoléon, le petit Bonaparte, je suis son fils, rien que son fils ! » Oh ! bien sûr, le président de la République ne s’est pas réclamé d’une filiation avec l’empereur des Français en prononçant un discours solennel à l’Institut pour « commémorer » le bicentenaire de sa mort. Mais c’est sous-entendu.
Commémorer n’est pas célébrer dit-on dans l’entourage d’Emmanuel Macron. Et pour cause. Si la proximité avec un personnage historique reste nimbée de prestige aux yeux des Français grâce à ses victoires militaires, l’inventaire de la succession révèle de nombreuses zones d’ombre qui pourraient pousser à refuser l’héritage. En premier lieu, si les premières guerres étaient plutôt défensives, l’appétit de conquête a rapidement pris le dessus. Le rétablissement de l’esclavage n’a rien de glorieux non plus, et le moins que l’on puisse dire, c’est que Napoléon n’était pas féministe dans l’âme et glorifiait la toute-puissance du pater familias, détenant droit de vie et de mort sur femme et enfants. Pour dire les choses clairement, Napoléon était un autocrate qui s’est servi de la Révolution plus qu’il ne l’a servie, sacrifiant la grande armée sur l’autel de ses ambitions, et installant ses proches sur les trônes des pays voisins pour y étendre son pouvoir.
D’une certaine façon, je ne suis pas surpris que le destin d’un petit officier corse devenu maître de l’Europe, au prix de campagnes militaires coûteuses en hommes et en argent, fascine Emmanuel Macron. Après tout, lui aussi est parti de rien, sans autre viatique que son ambition démesurée et sa capacité à persuader les financiers qu’ils n’auraient pas à regretter d’investir sur lui. La guerre éclair de 2017 lui a permis de conquérir la majorité presque sans coup férir, profitant des divisions des « coalisés », et qu’importe qu’il ait perdu toutes les élections suivantes en envoyant au combat des « Marie-Louise » inexpérimentés. Il lui reste à disputer la mère de toutes les batailles, celle des présidentielles de 2022, dont il souhaite faire un nouvel Austerlitz, et ses adversaires un nouveau Waterloo. Tous les coups seront permis dans cette perspective et les coups bas ont déjà commencé avec la campagne des régionales, que le pouvoir sait perdues d’avance, mais où il pourrait faire du tort à ses rivaux, notamment à Xavier Bertrand, candidat d’ores et déjà déclaré. S’il faut appeler à la rescousse un personnage historique controversé, le président ne va pas se gêner, au nom d’une pseudo-objectivité qui voudrait qu’il « assume » toutes les erreurs passées du moment qu’il peut se glorifier des plumes du paon.
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