Savoir-faire et faire savoir
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 1 mai 2021 10:32
- Écrit par Claude Séné
Après de longues semaines passées à faire miroiter la perspective d’un retour à la vie « normale », celle d’avant, où des choses aussi simples que d’aller faire une promenade au-delà de son horizon quotidien, prennent l’allure d’un Graal inaccessible, le pouvoir exécutif s’est résolu à fixer un calendrier de déconfinement. Je ne reviendrai pas sur les dates et les modalités, dont chacun a pris connaissance, si ce n’est que le gouvernement lui-même est conscient de la fragilité de ces projections, et qu’il se réserve la possibilité de revenir sur ces mesures en cas d’aggravation massive de la situation sanitaire.
Ce qui me frappe une nouvelle fois, c’est la stratégie de communication très particulière qui caractérise la doctrine d’Emmanuel Macron sur les annonces concernant sa politique. Là où ses prédécesseurs s’efforçaient de garder le secret jusqu’au dernier moment, le président organise des « fuites » de telle sorte que le contenu ne constitue en aucune façon une surprise. Tout au plus se réserve-t-il parfois un point particulier, dont il n’est pas fait état au préalable. Ainsi de la date du 15 juin pour la généralisation de la vaccination, qu’il a d’ailleurs fait connaître à part et après les autres mesures par un simple tweet. Cette fois-ci, Macron a choisi de s’adresser aux Français par le biais d’une interview donnée à la presse quotidienne régionale, à paraitre le 30 avril. Mais tout le contenu en était divulgué la veille sur les antennes des radios et des chaînes de télévision, ainsi que sur Internet. Tu parles d’un scoop ! La seule façon de se démarquer était donc de présenter l’affaire sous un titre personnalisé, aussi accrocheur que possible.
Depuis son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron aura utilisé à peu près tous les moyens de communication, alternant les allocutions télévisées, les interviews, les conférences de presse, ou les déclarations lors de déplacements et de visites dans la France profonde, industrielle ou rurale. À défaut de toujours convaincre sur son savoir-faire, il aura largement utilisé le faire savoir, piétinant allégrement le dogme que lui avaient inculqué les communicants, celui de sacralisation et de rareté de la parole présidentielle. C’est plus fort que lui. Il a besoin de vérifier quotidiennement sa capacité à persuader les autres, à leur faire adopter son opinion, à les convaincre du bien-fondé de ses positions. Malheureusement, l’éloquence pour l’éloquence peut apparaitre comme un exercice de style un peu vain, à la manière d’un discours dont j’ai gardé le souvenir, celui d’un président de la Ligue de l’Enseignement dans les années 70, qui commençait ainsi : « faire, faire faire, et ce faisant, se faire… » qui n’est pas sans rappeler le monologue de Michel Serrault : « petit-fils d’ouvrier… », prototype du discours vide.