Charité bien ordonnée

La situation sanitaire en Inde est en train d’échapper à tout contrôle alors qu’elle faisait figure d’exception pendant un temps. Les reportages font état d’une situation catastrophique, dans laquelle les contaminations au covid 19 et son variant B.1.617 battent des records journaliers. Plus de 350 000 nouveaux cas occasionnant 2800 décès dans une seule journée sont à déplorer. Le variant « indien » du virus serait à la fois plus contagieux et plus mortel, mais des voix locales soulignent l’impréparation des autorités qui n’ont pas mis à profit le répit observé pour prendre les mesures préventives nécessaires.

L’Inde manque de tout pour gérer cette crise. Pas suffisamment de lits d’hôpitaux, non seulement en réanimation, mais aussi en médecine. Pas assez de places dans les crématoriums pour accomplir les rites funéraires. Les bouteilles d’oxygène pour une assistance respiratoire de fortune sont devenues une denrée rare, presque introuvable. Cependant que la promiscuité dans les énormes mégalopoles favorise une contagion galopante, aucune mesure gouvernementale ne semble avoir été prise pour limiter les rassemblements de masse. Quant à la politique de vaccination, elle accuse un retard qu’il sera difficile de combler. Le pays a déjà franchi la barre symbolique des 200 000 morts, et ce n’est qu’une estimation officielle. Devant l’ampleur de la catastrophe sanitaire, de nombreux pays, dont la France, ont proposé une aide, sous des formes variables. Certains pourraient s’en étonner, alors même que nous ne sommes pas encore, et tant s’en faut, tirés d’affaire. C’est pourtant une nécessité absolue, et pas seulement pour des motifs généreux et altruistes.

L’Inde compte une population d’un milliard 400 millions de personnes, juste derrière la Chine, sur les 7 milliards 800 millions d’individus peuplant la terre. On sait très bien qu’il sera impossible à terme d’isoler une telle masse de gens, même si des restrictions provisoires peuvent être mises en place. L’Organisation mondiale de la santé a relevé la présence du B.1.617 dans au moins 17 pays, dont la Belgique, la Suisse, la Grèce ou l’Italie. La France a probablement déjà été touchée bien qu’aucun cas n’ait été formellement identifié. Une pandémie ne peut pas être traitée uniquement à l’échelon local, même si c’est indispensable. Un foyer aussi important que celui de l’Inde, auquel il faudrait ajouter celui du Brésil, où la politique désastreuse de Jaïr Bolsonaro a amplifié la contamination en prenant le contrepied de toutes les mesures de simple bon sens au nom d’un orgueil machiste mal placé, doit être traité sous peine de voir resurgir l’épidémie. On recense déjà près de 150 millions de cas dans le monde, et nous sommes encore loin d’avoir atteint le pic de la pandémie. Les pays développés comptent sur la vaccination pour atteindre une immunité collective, et ils devront impérativement aider les pays pauvres à se procurer les doses nécessaires, dans leur propre intérêt.