Au théâtre ce soir

Vous avez bien lu. Il n’y a plus de représentation théâtrale dans notre pays, à l’exception d’une pièce, assez mal écrite d’ailleurs, avec en alternance dans le rôle principal, soit le Premier ministre, soit le Président de la République, ou pour les plus malchanceux d’entre nous, le porte-parole du gouvernement, quand il sait son texte. Dans le rôle des ministres, malheureusement, on est obligé de prendre les vrais, faute d’acteurs suffisamment brillants pour reprendre leurs emplois. Les représentations ont lieu les jeudis soirs, à 18 heures, pour égayer le couvre-feu.

Le ton des acteurs d’occasion est généralement assez terne, et la mise en scène inexistante. On en viendrait presque à regretter les décors de Roger Hart et les costumes de Donald Caldwell, que l’on s’attend à entendre citer à la fin de la conférence de presse. Le ressort dramatique est assez simple, voire simpliste. Il faut partir d’une situation de tension, afin de susciter la curiosité et ménager un suspense, qui peut, en général se résumer en une question du type : « Jeanne d’Arc sera-t-elle brûlée vive sur la place du vieux marché à Rouen le 30 mai 1431 ? vous le saurez en suivant le prochain épisode de notre grande série ! » Le rituel est immuable. On laisse filtrer une ou plusieurs hypothèses pour le teasing, de manière à ce que le public ne soit pas entièrement surpris, qu’il ait l’impression d’avoir tout compris et d’avoir deviné la décision finale avant tout le monde. Puis, il faut laisser mariner au moins 24 ou 48 heures, pour que la sauce fasse passer l’indigence de la recette. Pendant ce temps, le Président ou son Premier ministre peuvent consulter, ça ne mange pas de pain, en affirmant à leurs interlocuteurs que les bonnes décisions seront prises au moment le plus opportun.

Puis, le jour dit, après les amuse-gueules de rigueur, les statistiques de l’épidémie qui justifient, quelles qu’elles soient, toutes les mesures à venir, il s’agit de dresser le plat, de servir chaud et de convier les invités à se serrer une nouvelle fois la ceinture. À ce stade, étrangement et brusquement, la formulation passe à une tournure impersonnelle : « la décision a été prise ». Comment ? Par qui ? Mystère ! une modestie apparente empêche l’exécutif de revendiquer la paternité de la mesure généralement impopulaire, d’assumer les nouveaux sacrifices demandés au nom de jours meilleurs sans cesse remis aux calendes. Promis, juré, ça ira mieux demain, comme le chantait la regrettée Annie Cordy qui n’a pas connu l’après-covid tant espéré. Et le tour est joué. La décision s’impose d’elle-même, sans que personne jamais n’en évalue sérieusement les résultats, et sera donc parole d’évangile jusqu’à la prochaine représentation de la pantomime.

Commentaires  

#1 jacotte 86 18-03-2021 11:53
de vrais guignols plus que des intermittents de la politique...
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