Des plans sur la comète

Au moment où les faits divers concernant des jeunes dans les banlieues se multiplient, il serait peut-être utile de se souvenir du rapport que le président de la République avait commandé à Jean-Louis Borloo en 2018, avant de le torpiller publiquement sans ménagements. Bien qu’imparfait, le plan Borloo avait le mérite de poser la question d’une véritable politique de la ville, mise en jachère après des échecs successifs. On comprenait alors à demi-mot que ce plan chiffré à 50 milliards dans un premier temps, et l’amorce d’une politique proche d’un plan Marshal en faveur des quartiers défavorisés, dépassait les ambitions du président.

En effet, comme souvent, le but principal de la mission confiée à Jean-Louis Borloo était de démontrer et faire savoir que le pouvoir ne restait pas insensible à la situation des plus démunis, pas de dépenser « un pognon de dingue ». On sourit aujourd’hui, à l’heure du « quoi qu’il en coûte », de ces pudeurs de jouvencelle, quand l’état envisage des dépenses beaucoup plus importantes pour relancer l’économie lorsque ce sera possible. Le plus beau dans l’histoire, c’est qu’Emmanuel Macron, après l'avoir balayé d’un revers de main, prétendait en octobre 2020 avoir réalisé plus des trois quarts des mesures préconisées par le rapport. Ce qui ferait preuve d’une discrétion et d’une modestie auxquelles il ne nous a pas habitués.

Il n’est pas certain que le rapport rédigé par l’historien Benjamin Stora concernant les relations avec l’Algérie connaisse un meilleur sort que celui de Jean-Louis Borloo. Emmanuel Macron, en contradiction avec ses engagements de campagne, a déjà prévenu qu’il n’y aurait ni repentance ni excuses. Tout au plus la promesse de déclassifier les archives, et la reconnaissance de la torture et l’assassinat par l’armée française d’Ali Boumendjel, avocat indépendantiste, en 1957. Les déclarations publiques du général Aussaresse, reconnaissant l’usage de la torture en Algérie, ne laissaient déjà aucun doute à ce sujet.

Mais la stratégie de manipulation trouve sa pleine expression avec l’exploitation de la convention citoyenne sur le climat. Emmanuel Macron renie sa parole de soumettre les propositions « sans filtres », bricole un projet de loi à sa sauce avec des objectifs revus à la baisse, et où les participants aux travaux auront bien du mal à retrouver leurs petits. Cela s’appelle en bon français une escroquerie intellectuelle, mais cela n’a pas l’air de déranger beaucoup le locataire de l’Élysée qui aimerait bien renouveler son bail, dût-il s’assoir sur les convictions de certains de ses électeurs. On attend avec intérêt la production du tout récent haut-commissaire au plan, ci-devant maire de Perpignan, qui murmure à l’oreille du président depuis son éviction forcée du gouvernement, François Bayrou. Un plan qui aura bien peu de chances d’être mis en œuvre.