Qui veut noyer son chien ?

Le président de la République doit être aux abois dans une cause incertaine pour en être réduit à caricaturer le débat légitime sur le déploiement de la 5 G en France. Après avoir juré solennellement ses grands dieux qu’il respecterait les conclusions du débat citoyen des 150 Français tirés au sort, à l’exception de 3 mesures pour lesquelles il utiliserait un « joker », le voici qui annonce qu’il a pris sa décision et qu’il s’assoit sur les 98 % de conventionnels qui ont demandé un moratoire sur la 5 G.

Ce n’est pourtant pas la mer à boire que de respecter sa parole et de mener des études complémentaires pour vérifier l’innocuité de cette nouvelle technologie tout en en profitant pour réfléchir à la politique globale de développement du numérique et aux meilleurs moyens de ne pas aggraver les inégalités dans ce domaine comme dans d’autres. Si la France doit attendre quelques mois pour décider sereinement des mesures à prendre, ce n’est sans doute pas excessif au regard des conséquences éventuelles sur la santé, et par rapport aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux qu’ils engagent. Emmanuel Macron déplace le sujet de la discussion sur l’opposition entre le progrès et le passéisme, comme si mettre en doute une technologie revenait à refuser toute innovation. Il y aurait des tenants d’un modèle Amish qui sont restés bloqués au 19e siècle et qui préfèrent s’éclairer à la lampe à huile plutôt que d’utiliser la fée électricité. Pourquoi pas la torche de l’homme de Cro-Magnon ?

Ce dernier exemple en date démontre bien que ce pouvoir n’a de démocratique que le nom. Il se drape derrière sa légitimité quand ça l’arrange, mais fait appel à la brutalité et à l’arbitraire quand la réalité le rattrape. À quoi bon organiser de grands débats sur tous les sujets si c’est pour mettre au placard leurs conclusions ? Le président n’a que discussion, consensus, écoute à la bouche, mais ses actes démontrent le contraire. Le pouvoir n’a jamais été plus vertical. Il feint de se décentraliser en prenant les décisions « au plus près du terrain ». Comme s’il n’était pas clair pour tout le monde que les préfets ne sont que des voix de leur maître et l’expression d’un pouvoir central, comme c’est d’ailleurs leur fonction. Cette mauvaise querelle de la 5 G ne fait qu’illustrer la stratégie arrêtée par Emmanuel Macron dans l’espoir d’une réélection qu’il sait menacée. Il entend incarner la modernité par opposition au passéisme. Il est bien conscient que sa réussite éventuelle dépend d’un nouveau tour de passe-passe qui l’opposerait au Rassemblement national, en court-circuitant la droite traditionnelle. On ne peut pas dire que cela lui ait tellement réussi aux municipales.