La crise des vocations

Si l’on en croit le Président de la République, le contribuable français n’aurait pas « vocation à payer des masques » dont le port a pourtant été rendu obligatoire dans tous les lieux clos accueillant du public depuis lundi dernier. Une position pour le moins surprenante puisqu’il annonce dans le même temps que la France vient d’obtenir un financement européen sans précédent pour relancer son économie, ce qui devrait permettre de prendre en charge cette dépense somme toute modeste à l’échelle d’un état, alors qu’elle est conséquente pour une famille modeste.

Mr Macron en est d’ailleurs conscient qui envisage d’aider les plus pauvres à s’en procurer. Ce qui signifie ajouter un échelon bureaucratique pour avoir le droit de se protéger et de protéger les autres. Il faudra que les pauvres aillent mendier leurs masques pour ne pas être contaminés et risquer de propager l’épidémie. Une économie de bout de chandelle rapportée aux 40 milliards d’aide européenne. L’état français, enfin convaincu et converti aux bienfaits de la protection par le masque ne serait pas capable de couvrir ses ressortissants gratuitement ? Vis-à-vis d’un service public, il y a deux solutions possibles : faire payer l’usager ou avoir recours à la mutualisation des ressources. Il est clair que si c’est le contribuable qui paye, ce sera en fonction de ses ressources et non de ses besoins. Une santé où c’est l’usager qui doit payer les soins, nous en connaissons une. C’est le système américain, « t’as pas d’argent, t’es pas malade » ! est-ce cela l’idéal d’Emmanuel Macron, le modèle à suivre ? Merci bien. Les inégalités sont déjà suffisamment criantes, ce n’est pas la peine d’en rajouter.

D’autant qu’il n’y a pas de raison de s’arrêter en si bon chemin. Rendons l’hôpital entièrement payant, ainsi que l’école, vous verrez qu’il y aura beaucoup moins de malades et d’écoliers. Cet appel à une supposée « vocation » a le don de m’agacer prodigieusement, car il est particulièrement faux-cul. Il laisse entendre qu’il n’y a pas de décision personnelle du chef de l’état et que le financement des masques serait intrinsèquement et par nature du domaine privé. Tel Ponce Pilate, Macron s’en lave les mains et octroie du bout des lèvres l’aumône d’une aide pour les gens de peu, ceux qu’il méprise souverainement parce qu’ils ne sont rien, puisqu’ils ne gagnent rien et donc ne rapportent rien. Il devrait quand même faire un peu attention. Les misérables, quand ils sont poussés par la nécessité, peuvent déverser leur désespoir dans les rues comme l’ont montré les « gilets jaunes », et certaines catégories sociales pourraient perdre leurs illusions sur le personnage qui est à la tête de l’état et trouver en 2022 qu’il n’a pas vocation à se représenter à leurs suffrages.