La mort du petit cheval

Je ne sais pas d’où sort cette expression, mais j’ai coutume de dire que je ne la réclame pas, pour mieux introduire, par un « mais » vengeur, une attaque en règle contre un personnage qui me déplait. En l’occurrence, je ne vais pas baisser le pouce vers le sol pour enfoncer encore davantage, si c’est possible, l’ancien Premier ministre, mais je ne me coucherai pas non plus pour le plaindre après la condamnation de François Fillon à 5 ans de prison, dont 2 fermes, par le tribunal correctionnel dans l’affaire de l’emploi fictif de son épouse.

Ce verdict est en effet sévère, mais pas plus que beaucoup d’autres, dont on parle moins parce qu’ils touchent des délinquants anonymes et non des personnalités connues. Si la justice fait preuve parfois de mansuétude, elle doit rester impartiale et traiter équitablement les voleurs de pommes et les escrocs de haut vol qui détournent l’argent public par millions, parfois. Allons, soyons même bons princes, et admettons que la peine de Monsieur Fillon soit aménagée. Ce qui me paraîtrait juste, c’est une inéligibilité à vie pour les personnes convaincues d’abus de biens sociaux. Car, sinon, que se passe-t-il ? Le virus politique, si l’on est gentil, l’appât du gain si on l’est moins, poussera inexorablement les condamnés ayant purgé leur peine, à récidiver et à briguer les suffrages de leurs concitoyens, qui ne sont pas suffisamment raisonnables pour les leur refuser. À Grenoble, le maire sortant écologiste a été réélu devant un revenant : Alain Carignon, condamné définitivement en 1996 pour corruption, abus de biens sociaux et subornation de témoins. Il fera 29 mois de prison sur les 5 ans de sa première condamnation et les 18 mois d’une seconde condamnation dans une autre affaire.

Encore plus fort, la résurrection de Patrick Balkany, que l’on avait quitté à l’article de la mort pendant son séjour en détention, dont l’état de santé a été jugé incompatible avec l’exécution de sa peine, et que l’on a retrouvé en pleine forme à l’occasion de la fête de la musique, exécutant devant ses supporters une danse du ventre des plus convaincantes. Cet homme est déjà revenu d’entre les morts après d’autres condamnations, et l’on peut être certain qu’il tentera de reprendre un mandat électif, quel qu’il soit, si on lui en donne l’occasion. La seule manière de se débarrasser définitivement de lui, sans vouloir la mort du petit cheval, bien entendu, serait donc de le déchoir de manière irréversible de ses droits civiques. Car l’exemple de Pierre Botton, autre politique condamné lourdement en son temps, puis repenti et animateur d’une association de prévention de la récidive, qui a été condamné récemment de nouveau à 5 ans fermes pour avoir détourné des fonds de cette fondation, démontre une nouvelle fois la faiblesse des hommes.