On est mal patron

On est très mal. Il y a quelques années, un distributeur d’une célèbre enseigne spécialisée dans le hard discount nous amusait avec des spots publicitaires mettant en scène un monsieur Tout-le-Monde naïf et sympathique qui découvrait l’univers merveilleux, plein de choix et de qualité du concurrent. À l’issue de sa mission d’espionnage industriel, il rendait compte à son patron par téléphone de ses conclusions, qui tenaient en trois mots : « on est mal ».

Voici le dialogue in extenso :

 

« Allo, patron ?

— Ben, dis donc, c’est pas trop tôt, hein !

— Oui, je sais, il est tard, ben, désolé, hein… mais y avait du boulot…

— Oui, bon ! alors ?

— ben, y a plein d’choix chez (Biiiip)

— comment ça du choix ?

— ben oui, y a tout, plein de produits frais, du bio, des produits régionaux, y a tout c’qui faut quoi !

— oh la la la la la la la la la…

— on est mal, patron !

— ah ! on est mal !

— on est très mal… »

Aujourd’hui aussi, on a de très bonnes raisons de se sentir mal, et j’ai bien peur que le discours du « patron » de ce soir ne soit pas de nature à nous remonter le moral. Depuis le début de l’épidémie, les Français se demandent s’il y a vraiment un pilote dans l’avion, et surtout s’il a le nombre d’heures de vol nécessaires à sa certification. Bien sûr, savoir piloter un petit coucou c’est sympathique pour faire des balades du dimanche, mais c’est un peu juste pour diriger un long-courrier avec 67 millions de personnes à bord. Surtout s’il n’y a pas suffisamment de masques, pardon, de parachutes, pour tout le monde. Sans qu’il soit besoin de boule de cristal, on peut parier que le « patron » ne va pas annoncer où et quand l’avion se posera, vu qu’il n’en sait rien lui-même. Il va essayer de nous rassurer en prétendant qu’un atterrissage d’urgence, ça n’est pas si sorcier, et que si on sort tous les aérofreins, ça devrait bien se passer. Comme nous pouvons difficilement descendre en marche, il faudra bien courir notre chance.

Et pendant ce temps-là, le vrai patron, celui du MEDEF, en repasse une couche pour remettre ces fainéants de salariés au boulot, et en y mettant les bouchées doubles, s’il vous plait. Ça suffit les grandes vacances en service de réanimation ! Au turbin ! Les actionnaires attendent leur omelette, enfin leurs dividendes, tant pis s’il faut casser quelques œufs. Il devrait se souvenir que certains négriers, aveuglés par leur appât du gain, ont perdu la presque totalité de leur cargaison humaine, obligés de jeter par-dessus bord les morts par scorbut, dysenterie et autres maladies dues à la promiscuité et l’entassement. Même le cynisme a ses limites économiques.

Commentaires  

#1 Jacotte 86 13-04-2020 12:58
Non y a pas de limite a la course aux profits..
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