Flux tendu et circuit court

« L’expérience, c’est ce qui permet de recommencer indéfiniment les mêmes erreurs ». La phrase n’est pas de moi, mais j’en ai oublié l’auteur. Qu’il en soit remercié anonymement, car j’ai pu vérifier sa pertinence à maintes reprises. L’affaire des masques de protection et des tests de dépistage qui nous font si cruellement défaut au moment où nous en avons le plus besoin vient démontrer une nouvelle fois le danger de s’en remettre à autrui pour assurer nos besoins les plus vitaux.

Les gouvernements successifs ont progressivement abandonné le secteur de la santé aux mains des économistes, qui ont naturellement été tentés d’appliquer leurs recettes désastreuses à la gestion de notre bien le plus précieux. On les a vus à l’œuvre à l’hôpital avec une supposée « rationalisation » des moyens, en réalité une façon d’organiser la pénurie. On a habillé de principes d’exigence de qualité la fermeture de services non rentables comme les petites maternités et l’on a rationné les services d’urgence dans l’espoir de dissuader le public de s’y rendre du fait d’une attente interminable propre à décourager les moins fortunés d’entre nous. Et surtout, on a abandonné des pans entiers de notre indépendance dans les secteurs les plus stratégiques, tels que les médicaments, et nous sommes en train de le payer aujourd’hui. En temps de paix et en l’absence de tension sur le marché de la Santé puisqu’on est bien obligé de le considérer ainsi, tout va bien, ou à peu près. À l’échelle du simple consommateur de médicament, par exemple, nous avons pris l’habitude de devoir commander certains produits moins courants, qui ne sont pas en stock dans notre officine habituelle. Nous les obtenons généralement dans des délais très courts. Sauf si des circonstances exceptionnelles, comme celles que nous vivons en ce moment, perturbent les circuits de distribution.

La mésaventure des stocks de masques, détournés de leurs commanditaires français par des surenchères tchèques ou américaines, montre à quel point la marchandisation de la Santé peut faire des ravages. Un produit recherché et en pénurie objective, peut voir son prix multiplié de manière déraisonnable et devenir pratiquement introuvable dans les pays les moins fortunés. Pour faire des économies à court terme, on a sous-traité la production des biens nécessaires à maintenir un haut niveau de santé publique, nous mettant ainsi à la merci des industriels et des états qui ne nous veulent pas forcément que du bien et feront passer leurs intérêts avant toute solidarité en cas de crise. Ces abandons de souveraineté mettent à mal notre indépendance nationale et nous mettent en péril physiquement. Et je ne laisserai personne, et surtout pas Édouard Philippe, me dire le contraire.