Sans tambour ni trompette

Le Premier ministre a finalement décidé d’engager comme prévu la responsabilité du gouvernement pour faire adopter sans débat la loi sur les retraites. Couper court à toute discussion au nom de la démocratie parait une bien curieuse façon de faire vivre nos institutions. C’est peut-être pour ça que l’opération s’est déroulée en catimini. Ce gouvernement a le 49.3 honteux. Il aurait volontiers fait l’économie de l’image de passage en force qu’il incarne et tente d’en minimiser l’effet en le banalisant à outrance. Si l’épidémie de coronavirus n’avait pas déjà existé, il aurait volontiers signé pour qu’elle apparaisse.

En effet, c’est le sujet qui a servi de paravent pour convoquer un conseil des ministres exceptionnel où Édouard Philippe a demandé et obtenu, comme la loi l’y oblige, l’autorisation d’utiliser cet article de la Constitution qui permet de court-circuiter légalement le pouvoir législatif. Le Premier ministre a gardé le secret sur ces délibérations jusqu’à l’annonce faite dans l’hémicycle devant un parterre de députés clairsemé, à l’exception des représentants de la majorité, rameutés quelques minutes avant par un SMS sibyllin leur demandant de venir faire de la figuration pour soutenir le gouvernement sous les caméras de télévision, sans autre précision. L’idée, c’est de faire porter le chapeau de l’arrêt des débats aux députés de l’opposition, et de faire de la France Insoumise le bouc émissaire de tous les dysfonctionnements qui ont abouti au blocage de l’Assemblée nationale. Le pouvoir aurait pu utiliser une procédure dite du « temps législatif programmé » pour limiter la durée des débats tout en permettant l’expression des groupes parlementaires, critiquable également, mais qui évite le passage par le 49.3. Il ne l’a pas souhaité, montrant ainsi la préméditation de ce mauvais coup.

Car c’en est un. Et que d’autres gouvernements de toutes tendances y aient eu recours n’y change rien. De quoi le président a-t-il donc peur ? Le système et la pratique élective de notre 5e république lui assurent une majorité écrasante avec un soutien populaire minimal. Cela ne lui suffit pas. Il faut aller vite et taper fort. La République, c’est nous, hurlait un député de la République en Marche, et vous, vous n’êtes rien, en s’adressant à l’opposition. Tandis qu’un autre traitait de « petites connes » les élues de gauche qui avaient osé brocarder le président dans la rue avec le détournement d’une chanson populaire. Ce n’est pas nouveau, mais les institutions de la 5e font encore la démonstration qu’il n’y a aucune alternative démocratique en cas de désaccord entre le pays et ses dirigeants. Pour éviter une réforme des retraites mal fagotée et profondément injuste, le pays n’a d’autre choix que de renverser le gouvernement. Vous avez dit démocratie ?