La fonction crée l’organe

Le titre d’un organe de presse est parfois très clair et évocateur de son orientation, de ses idées, ou de l’image qu’il souhaite donner de son activité. Ainsi dans les DNA, les dernières nouvelles d’Alsace, on s’attend logiquement à lire des informations récentes concernant cette belle région, objet de conflits entre la France et l’Allemagne en compagnie de la Lorraine, et l’on n’est pas déçu. La Montagne, de Clermont-Ferrand, ou La nouvelle république des Pyrénées, en passant par la dépêche du Midi, affichent ainsi leur origine géographique, sans oublier Ouest-France, un des plus gros tirages.

À ce petit jeu, on peut distinguer toute une série de journaux « sans étiquette » hormis celle de paraitre le matin, en Corse, à Nice ou dans le Var, ou qui se contentent de l’image de l’éclair. Beaucoup revendiquent leur caractère républicain, et un certain nombre leur appartenance à la France libérée de l’occupant nazi. Certains titres sont clairement militants : Libération, l’Humanité, l’Indépendant, pour ne citer que ceux-là. Et puis il y a ceux qui cachent bien leur jeu. Et c’est dans cette catégorie que je rangerais « Valeurs actuelles », ce journal qu’a choisi Emmanuel Macron pour exprimer ses idées la semaine dernière, dont le titre ne reflète pas spécialement les orientations d’extrême-droite. Pour les retrouver, il faut se boucher le nez et lire les articles en apnée, une épreuve que je ne m’inflige pas, je me contente des titres, sachant qu’un Éric Zemmour y a son rond de serviette, et que Geoffroy Lejeune, le directeur de la rédaction, en est un fidèle soutien.

L’escroquerie sur le nom commence par la notion de valeurs que l’on imagine morales, alors qu’elles sont tout bêtement héritées du passé d’un magazine boursier à l’origine. Quant au caractère actuel, il est très contestable, puisque les thèses défendues par l’hebdomadaire sont vieilles comme le monde, réactionnaires et rétrogrades. Selon le chef de l’état, et sa porte-parole, le caractère ultra-droitier est revendiqué au prétexte « qu’il faudrait parler à tout le monde ». Soit, mais pas à n’importe qui, et pas sans pincettes. Pas en se laissant piéger par un entretien enregistré sans droit de regard sur le compte-rendu écrit, comme l’a fait Macron. Cette prise de risque doit se comprendre comme une forme d’aveu sur le caractère droitier de la politique menée par le président et le signe très clair qu’il a décidé de focaliser le débat sur les thèses défendues par le Rassemblement national, afin de préempter l’élection présidentielle et la réduire à un affrontement entre Marine Le Pen et lui. Cela fait leur affaire à tous les deux, mais ils ne représentent, ni l’un, ni l’autre, et de loin, la majorité du corps électoral.