Les plumes du paon
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 28 octobre 2019 10:35
- Écrit par Claude Séné
Tel l’archange saint Michel terrassant le dragon, Donald Supertrump a donc eu raison d’Abou Bakar al-Baghdadi, le vil traitre qui menaçait de détruire l’humanité tout entière. Bon, le glorieux adversaire des forces du mal remercie au passage les pays subalternes qui lui ont donné un coup de main : à commencer par la Russie, dont le président Poutine est devenu un vrai copain, ou la Turquie de Recep Tayyip Erdogan à qui le président américain ne sait plus rien refuser en échange de quelques habiles flatteries sans lendemain, ainsi que la Syrie et l’Irak, ces pays vassaux de moindre importance.
Mais qu’on ne s’y trompe pas, quand le président Trump, qui n’a jamais revêtu un uniforme de sa vie sauf à l’école, ni a fortiori combattu le moindre ennemi, emploie le pronom nous pour raconter l’approche en hélicoptère et l’assaut final, il faut comprendre un « je » que sa modestie naturelle l’empêche d’utiliser. Lui qui n’a pas eu la chance de faire la guerre du Vietnam comme son ancien rival, John McCain, ayant été malencontreusement réformé en 1968 à cause d’une épine calcanéenne selon ses dires, a enfin eu la chance de participer à une opération militaire qu’il a menée de main de maître en donnant son feu vert aux spécialistes. Si l’on en juge par les photos de la salle de commandement et les déclarations du généralissime, l’affaire a été conçue par les meilleurs scénaristes d’Hollywood, qui n’ont pas lésiné sur les effets spéciaux. Ils ont dû faire appel aux concepteurs du film de Kathryn Bigelow, « Zero Dark Thirty » qui racontait la traque d’Oussama Ben Laden et était plutôt réussi. Malheureusement, les dialoguistes ne devaient pas être disponibles, si bien que le président américain a probablement dû écrire son texte lui-même. Et c’est très loin d’être du Audiard.
Si Donald Trump est un menteur hors pair, débitant ses sornettes sans se troubler, même quand il profère des contre-vérités plus grosses que lui, il est beaucoup moins convaincant en acteur risquant des impros hasardeuses. Quelle idée saugrenue de dépeindre le Calife autoproclamé sous les traits d’un chien, d’un lâche, pleurant dans le fond de son tunnel avant de se faire sauter avec trois enfants. La scène a d’ailleurs dû sembler un brin surréaliste aux journalistes convoqués pour célébrer ses louanges. Un d’entre eux a eu l’outrecuidance de lui demander comment il connaissait tous ces détails, à quoi il a été obligé d’opposer un silence prudent. Bref, tout le monde aura compris le but de la manœuvre. Il reste à savoir si la fable de Donald en chef de guerre, comme avant lui à peu près tous les présidents en quête de réélection, aura un effet durable sur son image dans l’opinion.