Héritage

Dans le très ancien droit c’est un synonyme de propriété immobilière, devenue au sens propre, patrimoine laissé par une personne décédée et transmis par succession, et, au sens large, ce qui est transmis par les ancêtres, les parents, puis ce que l’on tient des prédécesseurs, des générations antérieures, sur le plan de l’idéologie, du caractère, recouvrant partiellement l’hérédité.

Au sens premier du terme, l’héritage transmis par un acte de succession par lequel les différents biens patrimoniaux d’une personne sont répartis à sa mort, ceux qui les reçoivent sont ses héritiers. La loi française sur les successions est complexe et souvent à l’origine de dissensions entre les héritiers, la succession très médiatisée de Johnny Hallyday offre tout le panorama des tribulations familiales où se règlent, en plus des enjeux financiers, les conflits anciens, les jalousies, les rejets.

Le sens le plus large, celui de « ce qui est transmis par les générations antérieures », comprend l’héritage culturel, transmission des coutumes, des croyances, des traditions, c’est l’héritage du passé parfois assez lourd à assumer, ouvre sur la notion d’héritage politique auquel se réfèrent les gouvernements successifs, le plus souvent pour les contester.

Les différents gouvernements de la Ve République ont laissé des héritages positifs, complétant ceux laissés par leurs prédécesseurs depuis la révolution de 89 et la Déclaration des droits de l’homme.

Le gouvernement Mitterrand nous a légué l’abolition de la peine de mort, la dépénalisation de l’homosexualité, la retraite à 60 ans, la semaine de 39 heures, la cinquième semaine de congés payés, la suppression de la cour de sûreté de l’État, l’ouverture aux radios privées… la consolidation de la construction européenne avec la libre circulation des personnes, des biens et des capitaux. Dommage que la mise en place d’une politique de rigueur avec blocage des prix et des salaires ayant pour résultat l’augmentation du chômage, le détournement des électeurs des urnes et la montée du Front national, ait un peu entaché cet héritage.

Les gouvernements qui suivront, Chirac, Sarkozy, devront faire avec ce climat d’inquiétude économique et sociale, les mesures de rigueur de Juppé provoquant les grèves de 1995, et celles de Sarkozy en direction des entreprises avec l’allégement des fiscalités, le non-remplacement des fonctionnaires, la retraite prolongée à 62 ans, représentent un héritage dont on se passerait bien, et avec lequel François Hollande a dû faire lui aussi, il aura réussi quand même à nous laisser des lois importantes comme celle du mariage pour tous, le non-cumul des mandats, la modification des rythmes scolaires, le tiers payant généralisé, la loi sur la transition énergétique, on pourrait presque lui pardonner la loi El Kohmri...

Notre président actuel s’est empressé d’abroger ou de revisiter ces lois, écornant notre héritage en enterrant la généralisation du tiers payant, en durcissant la loi du travail, en supprimant l’ISF, changeant les rythmes scolaires, reculant l’application de la loi sur la suppression des pesticides.

Confrontés à une crise mondiale environnementale majeure, nos héritiers devront rester vigilants, face à ces reniements, ces remaniements au gré des couleurs politiques et des ambitions personnelles, pour que nos valeurs républicaines, dont ils se réclament tous, de liberté, d’égalité, de fraternité, restent bien la base de leur avenir. On compte sur leur mobilisation, leurs initiatives, leur détermination à prendre leur destin en main pour obliger les puissants de ce monde à préserver ce qui reste d’un héritage appartenant à toute l’humanité.

L’invitée du dimanche