Bénéfices du doute

« Il n’y a pas de corruption ! » Que son mari, Patrick Balkany, écope d’une nouvelle condamnation à 5 ans de prison pour blanchiment aggravé de fraude fiscale et 10 ans d’inéligibilité, et qu’elle-même soit condamnée à 4 nouvelles années et la même peine d’inéligibilité ne semble compter pour rien pour Isabelle Balkany. Tout ce qui lui importe visiblement, c’est que le tribunal ait prononcé la relaxe des chefs d’accusation de corruption et de prise illégale d’intérêts. Grâce à la procédure d’appel dans ce procès comme dans le précédent, Patrick Balkany pourrait se représenter et même être élu.

Isabelle Balkany joue sur les mots. La relaxe ne signifie pas nécessairement que l’on soit innocent des faits qui sont reprochés, mais surtout que le tribunal correctionnel estime que les preuves sont insuffisantes pour condamner dans ce volet de l’affaire. Les doutes n’ont pas disparu pour autant. Les Balkany n’ont pas convaincu quant à l’origine des sommes dissimulées au fisc, qui leur ont valu les condamnations. Ils ont toujours prétendu que cet argent provenait d’un héritage familial, tantôt sous forme de lingots et de pièces d’or, tantôt en obligations, qui aurait été caché dans une banque en Suisse, sans jamais pouvoir en apporter la preuve. Le tribunal a semble-t-il préféré se concentrer sur les faits avérés, comme l’achat de deux villas de luxe aux Antilles et au Maroc, pour une somme estimée à 13 millions.

On ne peut pas éviter de se demander si le financement de ces dépenses ne s’est pas fait grâce à des avantages consentis par la ville dans le cadre d’un projet immobilier impliquant un milliardaire saoudien, en contrepartie desquels les époux Balkany auraient perçu de l’argent ou des « dons » en nature. Rien n’a été formellement prouvé, mais les doutes subsistent, et leurs bénéfices également. À supposer qu’il n’y ait pas eu enrichissement personnel, malgré la valeur des villas qui restent apparemment leur propriété, il n’empêche que les époux Balkany sont l’illustration d’un système où ils ont toujours confondu argent public et argent privé. Les premières casseroles remontent aux années 1990-2000 pour des affaires d’emplois fictifs. Élu et réélu à la mairie de Levallois-Perret, Patrick Balkany se fera épingler par la cour régionale des comptes pour des dépenses somptuaires et des frais de réception et de représentation dignes des homards de François de Rugy. On a la très nette impression que, au fil du temps, son impression d’impunité l’a amené à se croire intouchable, grâce au pouvoir du suffrage universel qui l’a jusqu’ici protégé, en vertu d’un clientélisme assumé et revendiqué. Nous pourrions nous retrouver dans une situation surréaliste qui verrait un maire en exercice, mais empêché, se porter candidat à sa propre succession depuis sa cellule, et être réélu sans pouvoir exercer son mandat.