Conforama : des voyous incompétents

Les syndicats l’avaient annoncé, la direction de Conforama l’a confirmé, il y aura bien un plan social prévoyant la suppression de 1900 emplois et la fermeture de 32 magasins sur le territoire français. Craignant à juste titre des manifestations de mécontentement des salariés et plus largement de la population, le Comité central d’entreprise avait été délocalisé dans un hôtel de Seine-et-Marne, au lieu du siège social, mais les élus représentant les salariés ont refusé de s’y rendre et de participer à un simulacre de concertation sociale.

Pour justifier les licenciements, le groupe sud-africain Steinhoff, propriétaire de l’enseigne, fait état de pertes de 41 millions d’euros en 2016, les résultats nets de 2017 et 2019 n’étant pas encore audités. Comment en est-on arrivé là « au pays où la vie est moins chère », si l’on en croit le slogan des années 80 et jusqu’au 21e siècle ? Lorsque le groupe qui appartenait à Pinault-Printemps-Redoute a été cédé à Steinhoff, il était encore profitable et les actionnaires ont été servis, rubis sur l’ongle. Un rachat de Darty a même été envisagé en 2016 avant de renoncer, sans raison avancée. Depuis, c’est la dégringolade et une succession d’erreurs stratégiques. Était-il si judicieux de se lancer dans un partenariat coûteux avec la ligue française de football ? 25 millions sur 3 ans, la moitié du déficit annoncé, pour le privilège douteux d’associer la marque Conforama à la Ligue 1. Sans parler de la catastrophique participation à Shrowroomprivé, payée 157 millions et cédée dans la foulée pour la moitié de sa valeur, encaissant donc une perte de 79 millions.

Pendant ce temps-là, l’enseigne dort sur ses lauriers imaginaires au lieu de s’adapter au nouveau marché concurrentiel. Les syndicats font remarquer que l’entreprise a bénéficié sur les 5 dernières années, de 63 millions de CICE (crédit d’impôt compétitivité et emploi), qui auraient pu permettre, bien investis, de relancer l’activité, et dont personne, y compris l’état, qui les a versés, ne semble savoir ce qu’ils sont devenus. Conforama n’a pas su prendre le virage numérique, contrairement à ses concurrents, comme Amazon qui a vendu à perte pour conquérir le marché. Le maillage du territoire par les magasins physiques, loin d’être un handicap, pourrait se révéler à terme un atout, à condition d’en organiser efficacement la synergie avec le commerce en ligne. Il est clair que des groupes internationaux tels que Steinhoff, qui n’est tourné que sur la rentabilité immédiate, ne sont pas les interlocuteurs ad hoc pour un projet de développement harmonieux et la conservation des emplois. Non contents d’être incompétents, ils assument des méthodes de voyous pour éviter tout dialogue social. Ils n’hésiteront pas à brader la dépouille de l’entreprise, si cette première étape ne suffit pas.