Profil bas

C’est une petite révolution qui ne dit pas son nom. Il semblerait que la Macronie soit gagnée insidieusement par un poison sournois : le doute sur le dogme présidentiel dans les rangs de la majorité et du gouvernement, pourtant caractérisés jusqu’ici par une croyance absolue dans leur propre infaillibilité. Le premier coin entre le tronc et l’écorce trouve ses origines dans une mesure technocratique du début du quinquennat, quand le ministère des Finances a jugé malin de prélever 5 euros sur toutes les aides personnalisées au logement, provoquant ainsi à juste titre une levée de boucliers.

La mesure était tellement stupide et impopulaire qu’Emmanuel Macron devait s’en désolidariser en la qualifiant publiquement de connerie sans nom. Ce qui n’empêchait pas de zélés fonctionnaires de trouver un autre moyen de ponctionner les allocataires, sous couvert de justice et d’équité. Il s’agit d’aligner les conditions de versement à la situation financière actuelle des bénéficiaires, comme pour le prélèvement à la source. Mesure de justice fiscale ? Peut-être, mais surtout un gain attendu d’un milliard pour l’état. La mesure prévue en janvier 2019, repoussée au 1er août, reportée à nouveau au 1er janvier 2020 par le Premier ministre, verra-t-elle le jour avant les calendes grecques ? Ou est-elle trop risquée pour le pouvoir après la fronde des gilets jaunes ?

2e dossier brûlant pour la majorité : les traités commerciaux de libre-échange négociés par l’Union européenne avec le Canada et le Mercosur. Ce dernier, qualifié de « bon accord » par le président, est critiqué ouvertement par le ministre de l’Agriculture, par de nombreux parlementaires et jusqu’à la porte-parole du gouvernement, pourtant « prête à mentir » pour protéger Emmanuel Macron quand elle dirigeait sa campagne. Mais ça, c’était avant. Avant que les agriculteurs en colère manifestent leur hostilité au projet d’accord. Les paysans ont beau ne représenter qu’une partie de plus en plus réduite de la population, leur poids dans l’opinion reste considérable et aucun gouvernement de la 5e République n’a osé les défier durablement, ni même réprimer leurs manifestations dans ce qu’elles ont de plus spectaculaire.

Cette attitude conciliante ne s’applique évidemment pas aux enseignants, auxquels le gouvernement réserve un traitement bien différent, ou aux urgentistes, que les ministres concernés préfèrent traiter par le mépris. Cette intransigeance pourra-t-elle résister longtemps à l’épreuve des faits ? Si la crise autour du bac finira bien un jour par se tasser, la situation des urgences et de la santé publique ne pourra pas s’améliorer spontanément. Nous payons aujourd’hui la facture de la dégradation continue des services de soins et du manque d’investissement dans un secteur sinistré. Il est grand temps d’écouter les professionnels et de prendre les mesures qui s’imposent.