Le monde du silence

On dit qu’il est d’or, mais ce n’est pas si simple… Il commence aussi bien quand on nous l’intime dans les rangs, simples écoliers attendant l’entrée dans la classe, ou quand on a le droit de le garder dans une arrestation, car tout ce que l’on pourrait dire serait retenu contre nous !

Il signifie à la fois se taire, ne pas s’exprimer, ne faire aucun bruit, mais aussi ne pas divulguer. Dans un monde de plus en plus empli de « bruit et de fureur », il manque tellement à la paix, au calme et à la tranquillité, qu’on a instauré des oasis où il règne en maître, lors de retraite, religieuse ou non, dans des monastères ou dans des ermitages.

Parfois il fait peur, créant une sorte de néant, un vide oppressant, au point que l’on cherche à le meubler, surtout s’il est plein de sous-entendus.

On a souvent intérêt à avoir recours à un silence prudent, car ce que l’on pourrait dire risquerait de nous mettre dans l’embarras, ce qui mène à passer sous silence, à faire silence sur un événement, sur une information. Tout cela avant qu’on nous impose silence, après des pressions plus ou moins importantes, peut-être même des menaces, voire des chantages. Il n’y a pas que dans les romans policiers que certains témoins se récusent et gardent le silence sur des informations qu’ils détiennent.

Certains se tairont aussi, respectant la loi du silence qu’on appelle aussi l’omerta dans les milieux criminels, pour ne pas risquer de se voir réduits au silence.

Sans compter sur des silences institutionnels, comme celui de l’armée que l’on n’appelle pas pour rien la grande muette, ou celui de la confession qui ne peut être levé, même s’il protège un criminel, ou encore celui des journalistes ne révélant pas leurs sources…

Il y a des murs du silence difficiles à briser et pourtant, ces derniers temps, certaines et certains ont osé le faire. Je pense à toutes ces femmes qui après le scandale de l’affaire Weinstein ont eu le courage de sortir de leur silence pour dénoncer tous les harcèlements sexuels dont elles étaient victimes, et à ces victimes de pédophilie dans le monde de l’église qui ont libéré leur parole pour accuser et faire condamner leurs bourreaux. La justice condamnant même les responsables comme le cardinal Barbarin pour avoir gardé un silence coupable sur des faits connus.

Plus criminels sont encore les silences d’états qui autrefois et aujourd’hui encore laissent faire les déportations de populations entières, ou qui couvrent les génocides, établissant entre eux une véritable conspiration du silence, silence assourdissant et glacial s’il en est.

Pouvoir de temps en temps, se réfugier dans le silence, « ébauche de mille métamorphoses » écrivait Rimbaud, c’est un luxe dans notre monde de verbalisation que personnellement j’aime m’offrir souvent, avant de connaître le silence éternel.

Pour terminer, cette citation du général de Gaulle à méditer par nos dirigeants : « rien ne rehausse l’autorité mieux que le silence, splendeur des forts et refuge des faibles », ou par celle d’Elsa Triolet : « le silence est comme le vent : il attise les grands malentendus et n’éteint que les petits ».

L’invitée du dimanche