Vers la fin des dogmes ?

Le président Macron aura beau proclamer haut et fort que le mouvement des gilets jaunes est mort et enterré, faute de débouché politique, ses conséquences sur les possibilités de l’action gouvernementale restent importantes et ont même tendance à s’amplifier. Il est frappant de constater à quel point certaines positions, présentées il y a peu comme intangibles, sont devenues facultatives, voire abandonnées purement et simplement. J’en prendrai quelques exemples, mais auparavant, faisons un sort à l’absence d’émergence d’un parti des contestataires : cette caractéristique est tout sauf une surprise pour un mouvement qui s’est voulu informel dès son origine.

C’est peut-être sa faiblesse, mais c’est aussi la garantie qu’il ne sera récupéré par personne, et rien ne prouve qu’on puisse le considérer comme nul et non avenu, malgré des signes d’essoufflement. Emmanuel Macron a cru bon d’ailleurs de lui donner des gages en feignant de faire droit à l’une de ses revendications, le référendum d’initiative citoyenne, en assouplissant le recours au référendum d’initiative partagée. Cette bonne volonté affichée va être mise très rapidement à l’épreuve des faits avec la privatisation d’ADP, pour laquelle l’opposition demande un vote populaire. Autre recul apparent, le Premier ministre accepterait de laisser les départements revenir sur sa mesure phare de l’abaissement de la vitesse sur les routes secondaires de 90 à 80 km/h, en les tenant pour responsables en cas d’augmentation des tués sur les routes. Une mesure très faux-cul, donc, puisqu’on sait que cette statistique est multifactorielle et que son analyse est très complexe.

Dans le domaine économique également, après nous avoir asséné qu’il n’y avait point de salut sans une diminution drastique du nombre de fonctionnaires, voilà qu’au détour d’une phrase dans un discours quelconque le président banalise la question, voire l’évacue en affirmant que le chiffre de 120 000 fonctionnaires en moins, n’avait rien d’absolu ni de définitif. Fort bien, nous sommes ravis de l’apprendre après une campagne présidentielle qui avait vu une surenchère démente sur cette question, où c’était à qui aurait la peau du service public, ce pelé, ce galeux, responsable de tous nos maux. Autre rebondissement, et dernier en date, l’abandon pur et simple de l’article 3 de la loi Blanquer par le ministre suite à l’opposition des sénateurs au regroupement des écoles primaires sous la houlette des collèges. Une loi bizarrement et paradoxalement appelée « école de la confiance » qui semble faire la presque unanimité des professionnels contre elle. On ne serait pas surpris cependant que le texte mis à la porte du Sénat rentre par la fenêtre de l’Assemblée nationale en deuxième lecture, mais cette retraite en rase campagne a déjà un parfum de revanche sur un pouvoir absolutiste et napoléonien.