Outrage

Ce n’est pas celui que nous impose l’âge et de façon irréparable dont je vous entretiendrai aujourd’hui, bien qu’il se fasse sentir inexorablement, mais du chef d’accusation qui a été dressé à l’encontre du journaliste indépendant Gaspard Glanz. Son crime ? avoir levé un doigt en direction des CRS qui l‘avaient bousculé alors qu’il voulait se plaindre d’avoir été visé par une grenade de désencerclement. Cela s’appelle « outrage à agent dépositaire de l’autorité publique », et peu importe que ladite autorité publique ait commis ou non des violences ou des provocations préalablement.

Gaspard Glanz sera jeté au sol sans ménagement, immobilisé, puis emmené pour 48 heures de garde à vue, accusé de surcroît de « participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations », une charge tellement ridicule qu’elle sera abandonnée par le procureur de la République. La sanction est néanmoins déjà tombée : le journaliste est interdit de séjour à Paris jusqu’à la date de son procès en octobre, et ne pourra donc pas couvrir les prochaines manifestations des gilets jaunes ni celle du 1er mai. Il est tout bêtement empêché de faire son travail avant même d’être jugé dans les règles, et éventuellement condamné, pour une broutille montée en épingle. J’appelle ça une entrave à la liberté de la presse, et si j’employais les grands mots qui permettent de transformer un geste somme toute assez banal en crime de lèse-majesté, je dirais qu’avec la presse, c’est la République que l’on assassine. Sur la même vidéo où l’on voit clairement l’incident se produire, les CRS sont également filmés en train de faire reculer des manifestants pourtant pacifiques en brandissant leurs matraques et en faisant des moulinets autrement plus menaçants que ce doigt d’honneur du journaliste, brandi sans regarder, par dépit.

Coïncidence, c’est aussi en ce moment que l’on a eu connaissance de la réponse de la France à l’ONU qui s’inquiétait de l’usage excessif de la force contre les manifestants. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette réponse, en forme de fin de non-recevoir, constitue, non pas un doigt d’honneur, mais carrément un bras du même métal. Les autorités justifient le recours aux armes contestées par la violence des manifestants et la nécessité de stopper les casseurs. Le lanceur de balles de défense, particulièrement mis en cause pour les risques avérés de mutilation, ne serait utilisé que contre les « participants à un attroupement violent et illégal ». Une affirmation démentie par les nombreuses vidéos prises pendant les manifestations. Les enquêtes sont, parait-il, en cours, mais on peut douter de leur impartialité. Vous savez quoi ? À travers le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations-Unies, c’est moi qui me sens outragé par la désinvolture avec laquelle l’état français traite une question sérieuse et légitime.