Le grand sondage
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 12 avril 2019 10:38
- Écrit par Claude Séné
Après le grand débat, rien ne sera jamais plus comme avant, affirmait sans rire la toute nouvelle porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye. Cela ne semble pas la conviction de la plupart des Français, questionnés par l’institut de sondage Odoxa pour le Figaro et France Info. Pour 69 % des personnes interrogées, le Premier ministre n’a pas été convaincant lors de la fameuse restitution des contributions des participants au débat national. À vrai dire, c’est le contraire qui aurait été une surprise puisque 7 Français sur 10 estimaient que la montagne accoucherait d’une souris et n’attendaient pas grand-chose de la consultation.
Ce qui est rassurant avec les sondages, c’est qu’ils rendent en général ce qu’on leur a fourni comme matière première. Les seuls à ne pas être déçus sont les sympathisants de la République en Marche. Comme les soutiens au président tournent toujours autour de 30 %, au mieux, le calcul est rapide à faire. De se savoir minoritaire n’empêche nullement le pouvoir d’être de mauvaise foi. La question des impôts, qui intéresse une large fraction de la population, a par exemple été largement biaisée. Comme le gouvernement communique sur la diminution des prélèvements obligatoires, il feint de se ranger ainsi à l’avis des Français. Manque de chance, d’une part, ils n’y croient pas, et d’autre part, c’est la justice fiscale qui est plébiscitée et non pas une baisse indifférenciée qui profiterait aussi aux plus riches. Ils sont toujours nombreux à réclamer le retour de l’ISF, contre le dogme présidentiel, par souci d’équité, même si cet impôt rapporte assez peu. Là où le bourrage de crâne semble avoir porté ses fruits, c’est dans l’équation qui relie baisse d’impôt et suppression de fonctionnaires. À force de seriner qu’ils sont inutiles, et qu’il faut faire des économies, le poujadisme a gagné. Les Français seront moins persuadés quand il s’agira de fermer un service public près de chez eux, mais passons.
Ce grand sondage, peu flatteur pour le gouvernement, ne fait pas la une des journaux, pas plus que l’analyse des chiffres du fameux débat national, assez largement surestimés dans la précipitation, pour éviter de laisser retomber le soufflé médiatique. L’estimation « à la louche » du nombre de contributeurs dans les cahiers de doléances donne le chiffre de 500 000, qu’il faudra probablement diviser par deux, une fois les résultats dépouillés complètement. Seule la moitié des propositions a été analysée, ce qui n’a pas empêché Édouard Philippe d’en tirer des conclusions et n’arrêtera pas Emmanuel Macron dans sa prise de décisions, arrêtées bien avant le début du débat. Comme il fallait s’y attendre, les propositions sont variées et parfois contradictoires, ce qui permettra au président de faire son marché et de prétendre respecter la démocratie à travers ce grand déballage.