Le tournant

Souvenons-nous. En 1981, à la surprise presque générale, François Mitterrand est élu sur un programme élaboré conjointement avec les partis de l’union de la gauche, et les avancées sociales vont se succéder jusqu’en 1983, où le gouvernement de Pierre Mauroy va prendre le « tournant de la rigueur », revenant à une forme d’orthodoxie économique, et renonçant aux réformes progressistes pour rétablir les comptes du pays. Secoué par la crise des gilets jaunes, le pouvoir actuel s’apprête à prendre lui aussi un tournant, celui de l’ultralibéralisme.

Après un débat national très parcellaire, un million et demi de participants, pour la plupart déjà acquis à la cause du président et qui continuent à croire à ses promesses contre toute évidence, et aussi très encadré par des questions fermées, le gouvernement va bientôt mettre en œuvre les options que retiendra Emmanuel Macron en fonction de ses propres critères. Parmi les revendications qui ressortent, on peut d’ores et déjà tabler sur le miroir aux alouettes que constituent les baisses d’impôts, et leur corollaire, le démantèlement des services publics. Diminuer les impôts ne peut qu’être populaire, du moins auprès de ceux qui en payent. Rappelons que moins d’un Français sur deux est assujetti à l’impôt sur le revenu. Une baisse de la TVA sur les produits de première nécessité est une hypothèse séduisante, mais ses effets seraient presque invisibles. Si je devais payer 5 centimes de moins sur une baguette à un euro, je ne m’en sentirais pas plus riche pour autant.

L’objectif réel d’une baisse d’impôt serait de satisfaire et de reconquérir une clientèle électorale, celle des classes moyennes, déçues par ce président sur lequel certains avaient misé. Nous avons pu voir à l’œuvre les résultats d’une telle politique. C’est, ni plus ni moins, ce qui a permis à Donald Trump de se faire élire. On observe d’ailleurs outre-Atlantique la même défiance à l’égard des politiques et des médias, entretenue par le pouvoir, qui ne rate aucune occasion d’accuser la presse de manipuler l’opinion et de rejeter tout ce qui va mal sur le Congrès et les fonctionnaires de Washington. En ne parlant que de baisse d’impôt, le gouvernement évite soigneusement le sujet de la justice fiscale, illustré notamment par la demande de rétablissement de l’ISF, refusé par avance par l’ami des riches, quoi qu’il doive lui en coûter électoralement. De même que le président se gardera bien de couper dans les crédits jugés les plus exorbitants par les Français, ceux de l’armée, nécessaire pour mener une politique de grandeur et de domination postcoloniale. Il est plus simple de fermer une maternité par-ci, un bureau de poste par-là, une classe ailleurs, que de renoncer au moindre bouton de guêtre. Les électeurs pourraient bien attendre le Président au tournant.

Commentaires  

#1 jacotte86 09-04-2019 13:23
je l'espère vivement!!!
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