Restitution

C’est le dernier vocable à la mode chez nos dirigeants. Après le « grand débat », voici venu le temps, non pas des rires et des chants comme dans l’ile aux enfants, mais de la restitution. C’est le premier ministre qui s’y collera lundi prochain au Grand Palais. Je ne sais pas ce qui a pu se passer dans la tête du communiquant élyséen au moment de la séance de créativité qui a abouti à cette trouvaille, mais il serait urgent que le sommet de l’état se dote d’un outil puissant et somme toute assez peu onéreux, un dictionnaire.

J’ouvre le mien et j’y lis, à l’entrée restitution : « Action de rendre ce que l’on possède indûment; résultat de cette action. Opération qui consiste à remettre une chose dans son état primitif ; résultat de cette opération. Restitution d’un tableau, d’une fresque. » Le mot important, c’est indûment. Rappelons que cette consultation a été décidée à la suite du mouvement de contestation dit des gilets jaunes, qui proteste contre la vie chère, les inégalités sociales et le manque de considération des petites gens. D’ailleurs, si c’est là ce que le gouvernement voulait savoir, il aurait pu économiser les 12 millions d’euros qu’a coûté l’organisation de cette grand-messe. Je lui aurais volontiers fourni l’information, et gratuitement encore. Ce que les pratiquants ordinaires de notre belle langue française entendent dans la restitution, c’est son aspect économique. Car les Français qui occupent les ronds-points ont le sentiment, à tort ou à raison, que l’état leur fait les poches avec les taxes sur le carburant et les radars « pompes à fric ». Alors, oui, ils aimeraient bien que le gouvernement leur restitue tout ou partie de ce qu’il leur a piqué.

Et il est inutile de leur servir l’argument sempiternel que les caisses sont vides et que selon un acronyme anglais, TINA (there is no alternative), il n’y a pas d’autre politique possible. En décembre, Emmanuel Macron a « trouvé » une dizaine de milliards pour essayer de calmer la fronde et stopper la jacquerie. Et vous savez quoi ? le plus beau, c’est que cet argent « restitué » aux Français a dopé la croissance, bien meilleure qu’attendue, preuve que non seulement l’argent existe, mais qu’il peut être dépensé en faveur de ceux qui en manquent le plus sans mettre l’économie en péril. En 2019, entre le CICE et les allègements de charge, ce sont 40 milliards d’euros qui seront dépensés pour aider les entreprises, sans considération de leur état de finances. Les exclus de la prospérité sont en droit de déclarer aux dirigeants : « l’argent ne fait pas le bonheur ? rendez-le ! »