Le contexte

« Mes propos ont été sortis de leur contexte ! » Ah ! le contexte ! le rempart ultime quand nier ne sert plus à rien, que des preuves d’évidence circulent et que l’on est bien obligé de reconnaître qu’on a vraiment dit ce qu’on n’aurait jamais dû énoncer. Situation embarrassante s’il en est pour quelqu’un qui non seulement peut être amené à s’exprimer en son nom propre, mais est chargé de porter la parole de tout un groupe, en l’occurrence, rien de moins que le gouvernement d’un pays, la France, excusez du peu.

Sibeth Ndiaye peut se féliciter de ne pas être américaine. Dans ce pays puritain où le mensonge est élevé au rang de crime de sang et dénoncé plus violemment encore, sa sortie sur la protection du président pour lequel elle « assume parfaitement de mentir » lui aurait valu une mise au placard totale et définitive, bien heureuse encore d’échapper à la peine de mort toujours en vigueur dans certains états de ce délicieux pays. Donc, selon la nouvelle porte-parole du gouvernement ses paroles auprès du journal l’Express en 2017 ont été « tronquées et sorties de leur contexte ». Le contexte étant que ses mensonges assumés s’appliquaient à une autre fonction et concernaient la vie privée du président. Personnellement, je ne vois pas ce que ça change, et ne fait que confirmer ce que l’on savait déjà : que la sincérité et la politique ne font pas nécessairement bon ménage. Au moins, on est prévenu !

Un autre exemple de cette défense désespérée, mais inefficace nous est fourni par une vidéo « virale » publiée sur Internet où l’on voit distinctement un policier s’approcher par derrière d’un manifestant en gilet jaune totalement passif et dépourvu de la moindre protection pouvant faire croire à une possibilité de riposte ou d’agression et lui asséner au visage un violent coup de ce qu’on appelle improprement un « bâton souple de défense » capable d’infliger des blessures sérieuses. La scène se passe à Besançon, les images sont filmées par une journaliste locale et diffusées par un média associatif. Le préfet du Doubs déclarera dans la foulée que les « images ont été sorties de leur contexte ». Ben voyons ! Selon cet honnête préfet, qui n’a pourtant rien vu, le gilet jaune, par sa seule présence physique faisait obstacle aux forces de l’ordre, et aurait voulu ramasser une grenade lacrymogène par terre pour la jeter contre les policiers. Pure affabulation. La journaliste a décidé de publier la séquence in extenso sans montage et le résultat est accablant, pour le préfet. Le gilet jaune s’en tire avec dix points de suture, mais il est vivant et a conservé ses deux yeux, ce qui, dans ce contexte, est un moindre mal.