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Les poupées algériennes
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 3 avril 2019 10:20
- Écrit par Claude Séné
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Vous connaissez les poupées russes. On ouvre la plus grande, qui contient une autre poupée un peu plus petite, qui contient encore une poupée, et ainsi de suite. C’est un peu l’impression que donne l’Algérie depuis quelques semaines. Les manifestations pacifiques qui se déroulent dans le pays ont contraint le pouvoir à faire des concessions successives. C’est d’abord le renoncement du président Bouteflika à briguer un 5e mandat, puis l’ajournement sine die des élections présidentielles, suivi de l’annonce d’une démission prochaine du président, et enfin cette démission effective, entraînant un processus de nouvelles élections sous 3 mois.
En apparence, la rue a gagné. Considérera-t-elle sa victoire comme suffisante et définitive ? Rien n’est moins sûr. Chat échaudé… l’armée qui est maître du jeu depuis le début, va-t-elle se poser en simple arbitre et garant de la démocratie, ou voudra-t-elle conserver la mainmise sur le pouvoir ? Le peuple algérien a-t-il ouvert la dernière matriochka, qui ouvre la voie à une nouvelle république ? Pour beaucoup d’Algériens, ils sont en train d’accomplir la 2e révolution de leur pays, et ils ne s’estimeront satisfaits que lorsque l’ensemble de la classe politique ancienne et surtout le clan du président sorti sera « dégagé ». Ils ne font aucune confiance à ceux qui représentent encore les institutions et leur scepticisme est parfaitement illustré par la blague qui courait il y a peu encore sur les réseaux sociaux selon laquelle ils ne croiraient à la mort de Bouteflika que si le président l’annonçait lui-même à la télévision.
Pour l’instant, l’armée a joué le jeu, mais ses intentions sont insondables. Le propre des révolutions est souvent d’être détournées ou confisquées à la faveur du désordre qu’elles induisent. Pour autant qu’on le sache, l’armée pourrait être tentée, mise au pied du mur de l’épreuve démocratique, d’intervenir comme elle l’a fait en 1991 pour empêcher l’accession au pouvoir par les urnes du front islamique du salut en soutenant le gouvernement de l’époque. Ce qui impressionne dans le mouvement de contestation, c’est son calme inébranlable et l’absence de violence, qui privent le pouvoir en place du moindre prétexte permettant une intervention pour « rétablir l’ordre ». À cet égard, la génération des manifestants, très jeunes pour la plupart, donne une leçon au « vieux pays du vieux continent » dont parlait Dominique de Villepin à l’assemblée générale de l’ONU au moment où les États-Unis tentaient de justifier la guerre qu’ils avaient l’intention de mener dans le golfe persique. Il reste la question du leadership. Le refus d’être récupéré par quiconque a fait la force du mouvement, mais il faudra bien à un moment que le peuple algérien se choisisse un ou des dirigeants capables de transformer concrètement une société corsetée qui vit dans l’héritage du parti unique.