Vade retro satana

L’enfer serait pavé de bonnes intentions, dit-on. Lorsque le pape François a décidé de consacrer un sommet de toute la hiérarchie catholique au Vatican à la délicate question de la pédophilie dans le clergé, il a fait naître l’espoir pour les victimes de se voir enfin reconnues dans leur calvaire et de mettre fin à la loi du silence qui a entouré ces agissements. À l’appui des déclarations prônant « la tolérance zéro », l’ancien archevêque de Washington était officiellement défroqué, à l’issue d’un processus religieux complexe.

Mais le discours final du pape a démontré qu’il restait encore beaucoup de chemin à parcourir pour lutter efficacement contre les abus sexuels au sein de l’église. En particulier, le pape François a évoqué la main du diable qui serait derrière ces actes certes condamnables, mais qui toucheraient toutes les couches de la société, y compris l’église. Un discours qui ne passe pas pour les victimes, françaises ou non, qui attendaient des actes concrets pour sanctionner les prédateurs sexuels et ceux qui les couvrent dans la hiérarchie ecclésiastique. Si j’ose dire, le diable a bon dos. Et le Dieu des chrétiens aussi, qui laisse faire. Cette vision incarnée de la morale pouvait se comprendre dans la société médiévale, et même jusqu’au siècle des Lumières. Elle n’a plus sa place dans le monde moderne. De même que l’on dénonce une vision étriquée de l’Islam dans une conception salafiste de la pratique religieuse, où le Coran est pris au pied de la lettre, la représentation littérale du démon qui guetterait l’homme pour le pousser à la faute est totalement anachronique. Ce serait trop facile de s’en remettre à un jeu d’influences extérieures quand le cœur du problème se trouve à l’intérieur de chacun.

Que l’on soit croyant ou non, et à plus forte raison si l’on a décidé de vouer sa vie à servir les autres au nom d’un engagement religieux, chaque être humain est responsable de ses actes. Si l’on veut croire au diable, il faut le voir non pas comme une entité extérieure, mais comme un principe inhérent à la nature humaine, une tentation de céder à la facilité et aux pulsions qui nous agissent. Sans libre arbitre, point de salut dans cette vie, ou celle d’après, si l’on y croit. Lorsque, selon le récit de la Bible, Jésus de Nazareth se retira 40 jours dans le désert pour y être tenté par le diable, il faut le comprendre comme une allégorie. Chaque être humain, y compris les hommes et les femmes d’église, est seul dans son désert pour faire face aux tentations. À lui de repousser ses démons personnels. La communauté, elle, doit tout faire pour éviter qu’il y succombe.