Une république d’épiciers ?
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 1 décembre 2018 09:56
- Écrit par Claude Séné
Comprenez-moi bien. Je n’ai rien contre les commerçants en général et les épiciers en particulier. Il se trouve que cette noble profession symbolise à mes yeux l’art de couper les éléments en petits détails insignifiants, de telle sorte que l’on en perd la vue d’ensemble et que l’on devient incapable de discerner les finalités. C’est l’impression que me laisse la politique suivie depuis un an et demi par le nouveau président de la République, qui apparait comme une collection de mesures, notamment fiscales, dont la cohérence m’échappe, ainsi qu’à la plupart des Français.
Une politique qui s’apparente aussi à ce que l’on appelle couramment des discussions de marchands de tapis. Révérence gardée pour cette autre catégorie de commerçant dont tout l’art consiste à te persuader que tu vas gagner au change en te débarrassant de ta vieille carpette authentique au profit d’un tapis industriel flambant neuf, moyennant une part non négligeable de tes revenus. C’est ainsi que le gouvernement après avoir ponctionné une partie des revenus grâce à la CSG a décidé d’en reverser une fraction sous forme d’abaissement des cotisations salariales et de suppression progressive de la taxe d’habitation selon un mécanisme compliqué et illisible. De la même façon, l’impôt sur le revenu baissera pour une partie des contribuables, celui sur la fortune immobilière est d’ores et déjà supprimé, mais les automobilistes devront payer plus à la pompe. Sauf que celui qui ne payait déjà pas l’impôt sur le revenu, faute de gagner suffisamment pour cela, ne verra que la taxe sur les carburants et ne bénéficiera pas de la baisse.
À force de faire passer le roi de pique sous les divers gobelets de son jeu de bonneteau, le camelot qui nous dirige a réussi à nous désorienter suffisamment pour que nous ne puissions savoir où il se cache, et l’on peut se demander s’il sait lui-même ce qu’il en a fait. Le résultat le plus clair de cette stratégie technocratique incompréhensible, c’est d’avoir entamé très sérieusement ce que l’on appelle le consentement à l’impôt. La plupart des Français s’acquittait jusqu’ici de ses obligations fiscales, à l’exception notable des plus fortunés qui disposent de moyens pour les éviter, ne serait-ce qu’en s’exilant. Je ne dirais pas que cela leur faisait plaisir, mais ils admettaient que l’état et les collectivités devaient disposer de ressources pour financer des projets communs, faire fonctionner les services publics et assurer une solidarité nationale. Voilà que de plus en plus, le citoyen aurait l’impression de ne pas en avoir pour son argent. Il ne recevrait pas autant qu’il donne, une thèse extrêmement dangereuse que l’on a vue à l’œuvre avec Margaret Thatcher vis-à-vis de l’Europe, pour aboutir à la sécession pure et simple du Brexit. C’est le risque encouru par le mouvement des gilets jaunes s’il ne devenait qu’une somme de revendications individualistes.