Crash test
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 28 novembre 2018 10:27
- Écrit par Claude Séné
Quand il est question de gilets jaunes, la métaphore automobile semble s’imposer d’amblée, et elle peut se révéler féconde, comme nous l’allons montrer tout à l’heure, ainsi que le disait le bon Jean de la Fontaine, notre maître à tous. Ainsi donc, imaginons que l’état soit une voiture, un char comme disent nos cousins de la belle province, le Québec, et qu’il ne navigue pas sur un volcan, mais roule sur une route limitée à 80 km/h en raison des nombreux nids-de-poule dus au manque d’entretien récurrent dont souffre le réseau routier.
Au volant, un conducteur débutant, à l’arrière, sur le pare-brise, le A réglementaire, qui signale que l’on a affaire à un apprenti, et non un abruti comme je l’ai cru tout d’abord. Et comme tous les novices, ça le démange d’appuyer sur le champignon, de se griser de vitesse et d’éprouver l’ivresse d’une toute-puissance illusoire. Oh ! bien sûr, il a remarqué le panneau indiquant qu’il s’agissait d’un cul-de-sac, d’une voie sans issue, mais peu lui chaut, il s’imagine avoir largement le temps devant lui pour essayer sa belle bagnole toute neuve et la pousser un peu, mine de rien, sans prévenir ses passagers, en espérant qu’ils ne remarqueront rien. Et d’ailleurs, il parle, il parle beaucoup, de tout, de rien, du temps qu’il fait, du réchauffement climatique ou de la pollution, pour détourner l’attention du compteur, qui grimpe inexorablement et flirte dangereusement avec l’excès de vitesse. Lui, ce qui lui importe, c’est d’avancer. Peu importe où il entraîne son équipage, il va droit devant. Pas question de virage, ni de droite, ni encore moins de gauche : il fonce, Alphonse, pardon, Manu, sans se soucier du mur qui se rapproche inéluctablement.
Dernièrement, sentant leur fin prochaine, des passagers se sont équipés du gilet fluorescent réglementaire, déjà pour être vus en cas de collision et à condition qu’ils en réchappent, mais aussi pour attirer l’attention du conducteur sur sa conduite dangereuse. « Freine, bon Dieu ! » qu’ils disaient, « on va droit dans le mur, là ! » qu’ils disaient. « Si on avait su, on t’aurait jamais payé cette foutue bagnole ! » juraient-ils, mais un peu tard. Et que leur a répondu en substance le chauffard hier ? « J’ai bien remarqué que vous aviez peur, et vous avez raison, c’est très casse-gueule, comme route, mais il n’y en a pas d’autres. En plus, c’est comme le vélo, si on ralentit, on tombe. Donc voilà ce que je vais faire : je vais accélérer les réformes et je vais klaxonner un bon coup, pour faire peur au mur. Et vivra bien qui vivra le dernier ». Il ne reste plus qu’à se préparer à l’impact en espérant que la voiture résiste au choc.