La « fête » des maires

À l’occasion du 101e congrès des maires de France qui s’est déroulé porte de Versailles, le président de la République a invité 2000 d’entre eux à l’Élysée, préférant visiblement jouer à domicile pour un match qui s’annonçait tendu. Il s’asseyait ainsi sans la moindre vergogne sur la promesse solennelle qu’il leur avait faite l’an dernier de revenir à leur tribune tous les ans pour faire le point. Mais, ça, c’était avant. Quand la lune de miel de l’élection présidentielle éclairait encore faiblement le paysage politique et que les sondages n’étaient pas encore totalement en berne.

Car, depuis, les maires ont largement eu le temps de se rendre compte que le pouvoir allait leur faire leur fête et que la suppression de la taxe d’habitation allait les priver d’un des derniers leviers qui leur permettait encore de mener une politique locale indépendante. Entre les maires et l’Élysée ou Matignon, le torchon brûle. Certains maires se sont dépêchés d’augmenter la taxe d’habitation avant sa suppression, provoquant l’ire du gouvernement qui les a dénoncés publiquement comme manquant de civisme. C’est désagréable pour le président de voir son geste se voulant social annulé par une décision municipale, d’autant plus qu’il y en a très peu, mais c’est encore un des rares privilèges qui reste aux maires, obligés de jongler avec la baisse constante des dotations de l’état. En théorie, à chaque fois que le pouvoir central leur a supprimé une ressource, il s’est engagé à la compenser « à l’euro près ». Une promesse qui n’engage que celui qui y croit.

Le jeu constant consiste à décentraliser les dépenses, tout en concentrant les recettes, que l’on reversera à sa guise aux diverses collectivités. Rien d’étonnant à ce que les vocations ont tendance à diminuer. Un maire sur deux envisagerait de ne pas se représenter pour un autre mandat, et on les comprend. La plupart des 36 000 communes comptent fort peu d’administrés. La moitié d’entre elles possède moins de 500 habitants. Si l’indemnité y est faible, les responsabilités y sont aussi écrasantes que dans les grandes. Ce sont eux qui sont en première ligne, « à portée d’engueulade » quand quelque chose ne va pas. Très peu de membres de la majorité présidentielle dans leurs rangs, ce qui explique peut-être le décalage entre le pays réel et ceux qui le gouvernent. Emmanuel Macron semble en avoir pris conscience, quoique tardivement, et il s’est donc appliqué à les recevoir avec force sourires et bonnes paroles, du moins ceux qui n’ont pas boycotté l’évènement. Je doute que quelques petits fours et des coupettes de champagne suffisent à faire oublier la grogne et le découragement de beaucoup de nos édiles.