Surdité

L’équation était fort simple à énoncer et cependant incroyablement difficile à résoudre. Comment le pouvoir allait-il démontrer qu’il avait bien entendu la colère des Français, illustrée par le mouvement des gilets jaunes, tout en ne répondant en rien aux revendications portées par les manifestants ? Telle était la mission confiée par un président au-dessus de la mêlée, trop occupé à sauver l’Europe et le monde pour s’intéresser aux problèmes subalternes des plus modestes, au Premier ministre, guère plus populaire que lui dans les sondages d’opinion. L’argumentaire, peaufiné par les experts en communication, était ensuite supposé ruisseler du sommet vers une base déboussolée.

Premier temps de la manœuvre : vous avez raison, la situation est insupportable. Mais ce n’est pas la faute de Bibi premier. Cela fait 30 ans que ça dure. Bon ! admettons. Édouard Philippe croit-il sincèrement que personne n’a remarqué que le gouvernement, s’il a hérité d’une situation inégalitaire, s’applique à l’aggraver, notamment en faisant des cadeaux aux plus riches tout en taxant les plus pauvres ? Et qu’il est en train d’enfoncer le dernier clou du cercueil de la justice sociale ? Non seulement la situation des classes moyennes et inférieures s’est dégradée au cours de ces 18 mois de macronisme, mais le pire est à venir avec des réformes supposées guérir le mal quand elles ne feront que l’accentuer. C’est bien ce gouvernement qui a programmé l’augmentation des taxes sur le carburant au 1er janvier prochain.

Deuxième temps : la culpabilisation. Si vous défendez la bagnole au nom de votre pouvoir d’achat, c’est que vous êtes hostile à l’écologie, et pour tout dire un assassin qui tue les enfants à coup de pot d’échappement. De toute façon, vous n’avez pas le choix. Premièrement, vous avez voté pour nous (et ceux qui ne l’ont pas fait, tant pis pour eux). Deuxièmement, il n’y a pas d’alternative. Notre politique est la bonne, et c’est d’ailleurs la seule possible. Un argument d’autorité que tous les gouvernements utilisent.

Troisième temps : la pédagogie. Si les Français sont mécontents, c’est parce qu’ils n’ont rien compris. On va leur expliquer et tout ira bien. Exercice difficile. Si le peuple ne comprend pas, c’est peut-être parce qu’il n’y a rien à comprendre, et non parce qu’il est trop stupide pour se hisser au sommet d’intelligence où brillent nos premiers de cordée. Le peuple a en tout cas suffisamment de bon sens et de jugeote pour s’en rendre compte lorsqu’on le prend pour un imbécile. La morgue, la suffisance et le mépris des dirigeants sont très faciles à percevoir. Cette surdité des puissants me fait penser à celle, non moins feinte, de Raminagrobis quand il demande aux plaignants de la fable d’approcher pour se faire entendre et qu’il met tout le monde d’accord en les dévorant tout cru.

Commentaires  

#1 jacotte 86 19-11-2018 11:11
personne n'a compris que ce gouvernement est adepte de l'homéopathie qui consiste à soigner le mal par le mal...le petit peuple est vraiment ignare (pardon un gros mot qu'il ne connait surement pas)
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