Deux héroïnes à part !

Iphigénie, héroïne de la pièce du même nom écrite en 1674, échappe un peu aux standards raciniens, mais je ne peux faire l’impasse sur son destin.

Agamemnon, chef grec en partance pour attaquer Troie, voit ses troupes bloquées sur les rivages d’Aulis par manque de vent pour propulser ses voiliers. Pour calmer la déesse Artémis, un oracle lui ordonne d’immoler sa fille Iphigénie afin de faire se lever les vents salvateurs.

La particularité de cette héroïne, qui n’est pas déchirée par des passions dévoreuses comme les autres personnages féminins de Racine, c’est d’être avant tout la victime de toutes les passions déchaînées autour d’elle par tous les autres personnages, victime qui pousse le respect filial et le patriotisme jusqu’à accepter la mort. Instrument résigné du drame, elle ne maîtrise rien de la situation.

Le dramaturge la sauvera de la mort, en désignant une autre victime dont apparemment le sort est mérité, elle se réjouissait de la disparition d’Iphigénie.

 Athalie, dont l’histoire a été écrite en 1691 après presque 15 ans de silence de la part de Racine devenu historiographe de Louis XIV, et comme sa dernière pièce, se démarque par la source qui l’a inspiré. En effet, le sujet est d’origine biblique, extrait du « livre des rois » puisant dans l’Ancien Testament, éclairé un peu par une pièce d’Euripide, Ion.

Veuve du roi de Juda, Athalie s’approprie le pouvoir après avoir abandonné la religion juive en faveur du culte de Baal, et décide de massacrer tous ses descendants pour assurer son règne.

C’est sûrement l’héroïne la plus sanguinaire de toute l’œuvre de Racine, c’est une usurpatrice qui a osé rompre l’ordre dynastique de la succession de David. Elle est cruelle, elle n’hésite pas à s’acharner contre ses petits-enfants sans défense, elle est orgueilleuse, elle ose s’élever contre Dieu, abjurant sa foi, elle est impie et idolâtre. Elle est calculatrice, séductrice s’il le faut, mais aussi avide de pouvoir autant que de richesses, c’est cette avidité qui sera sa perte, pour s’accaparer le trésor de David, elle accepte de venir dans le temple presque sans arme, c’était un piège où elle trouvera la mort.

Tant de noirceur, mérite peut-être quand même un peu de pitié, comme Phèdre, Athalie est fragile elle porte une lourde hérédité, celle de sa mère Jézabel qui persécuta les prophètes et qui lui est apparue : « c’était pendant l’horreur d’une profonde nuit… digne fille de moi… ». Prophétisant sa mort causée par un enfant. La prophétie se réalisera, son petit-fils Joas, sauvé de l’extermination de toute sa famille, sera hissé sur le trône de Judée, proclamant la victoire de Dieu sur les dieux !

Par ses déchaînements de passions, ses rebondissements, le triomphe du héros caché et la mort de l’usurpatrice, Athalie répond à tous les critères de la tragédie racinienne, malgré ses sources un peu différentes.

L’invitée du dimanche