Tempête dans un bénitier

Je reviens aujourd’hui sur un incident qui s’est déroulé le 17 juin dernier. Au cours d’une cérémonie de baptême, un prêtre a giflé l’enfant auquel il tentait d’appliquer le rite chrétien, visiblement à son corps défendant. Le petit garçon, âgé de 2 ans et demi, pleurait et criait abondamment, ce qui semble avoir eu le don de faire perdre à l’ecclésiastique son sang-froid et la bienveillance attendue de son sacerdoce. Selon le prêtre, il ne s’agissait que d’une tape amicale, voire une simple caresse un peu virile, destinée à calmer le bambin, efforts non couronnés de succès.

Le père, indigné, a fini par récupérer fermement le gamin, mettant fin à la cérémonie, dont la vidéo a abondamment circulé sur les réseaux sociaux. La hiérarchie catholique a suspendu le curé de toute célébration de baptême et de mariage, jugeant qu’à 89 ans, le prêtre avait bien mérité de l’église et pouvait désormais prendre un repos paisible. Je vais peut-être vous étonner, mais je trouve que ce prêtre se rend plus humain que la plupart de ses congénères, en démontrant qu’il peut lui aussi être sujet à des mouvements d’humeur, alors qu’on attend de lui une impassibilité se traduisant souvent par de la componction ou une onctuosité artificielle proprement écœurante. D’une certaine façon, je préfère qu’un prêtre déteste les enfants, quand ceux-ci sont haïssables, plutôt qu’il les aime trop et se rende coupable de certains comportements, si vous voyez ce que je veux dire.

Autrefois, les choses étaient simples. Les enfants étaient baptisés d’office si les parents le souhaitaient, sans attendre qu’ils aient l’âge de raison fixé à 7 ans. À 12 ans, ils pouvaient se joindre à la communauté catholique au cours de la communion solennelle. Puis l’église a modifié sa doctrine en souhaitant que le baptême soit voulu et compris par la personne qui le reçoit, dans la mesure du possible. Aussi, l’âge du catéchumène en question n’est visiblement pas le meilleur : suffisamment grand pour s’opposer à une contrainte longue et éprouvante, la fameuse crise d’opposition, et trop petit pour comprendre le sens de la cérémonie dont il est le héros malgré lui. Mais au fond peut-être est-il bon qu’un tel rite de passage soit accompagné d’une épreuve physique modérée. La première de toutes celles qui vont suivre, c’est la naissance. Le bébé est propulsé sans ménagements d’un monde aquatique à un monde aérien, où il doit impérativement s’adapter en gonflant ses poumons. S’il tarde à le faire, une petite claque sur les fesses y pourvoira, dit-on. Quant au baptême religieux, il peut aussi être remplacé avantageusement par un baptême civil ou républicain pour marquer l’entrée dans une communauté que l’on voudrait fraternelle.