Un long fleuve tranquille
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 20 juin 2018 10:47
- Écrit par Claude Séné
Le film d’Étienne Chatiliez racontait l’histoire de deux familles, les Groseille et les Le Quesnoy, dont les enfants avaient été échangés à la naissance, et relatait de façon humoristique les péripéties entraînées par cette situation. En moins drôles, les déclarations de la responsable du service adoption de Seine-Maritime au sujet des couples homosexuels, qui devraient s’orienter vers des enfants « atypiques » ont rappelé à quel point l’adoption restait en France un vrai parcours du combattant. Les propos discriminants de Pascale Lemare ont fait scandale, à juste titre.
Cette personne semble avoir révélé tout haut une règle non écrite dont seraient victimes certains candidats à l’adoption, dont les droits, nouvellement acquis, seraient insidieusement remis en question. Avec un cynisme naïf, Pascale Lemare établit un constat bureaucratique : il y a beaucoup plus de parents candidats à l’adoption que d’enfants adoptables. Les enfants au profil « idéal », suffisamment jeunes et en bonne santé physique et mentale, partent les premiers, et assez rapidement il ne reste plus que les « laissés-pour-compte », ceux qui sont relativement âgés, ceux qui sont atteints de maladies coûteuses, ceux qui sont victimes de handicaps plus ou moins lourds, plus difficiles à « caser ». Et justement, les futurs parents eux aussi sont classés en fonctions de certains critères pour obtenir la garde d’un enfant. On comprend à travers les lignes que les couples homosexuels ne partent pas gagnants dans cette compétition. Mais s’ils acceptent des enfants « atypiques » comme eux, alors ils ont une chance. C’est évidemment insupportable et contraire à la loi et à la simple équité, mais reflète probablement une certaine réalité. Il n’y a pas encore si longtemps, une personne seule qui voulait adopter un enfant avait tout intérêt à cacher son homosexualité pour ne pas s’aliéner définitivement toute possibilité d’adoption.
Dans tous les cas, la démarche d’adoption est extrêmement longue et compliquée. Beaucoup de parents potentiels se tournent vers l’adoption internationale, supposée plus facile, bien que coûteuse. Là aussi, beaucoup d’obstacles à franchir, avec le risque d’être victime de marchands d’enfants ou de revirements dans la politique des pays concernés, de moins en moins nombreux. Dans le meilleur des cas, une procédure d’adoption, internationale ou non, ne peut être inférieure à la durée d’une grossesse. On peut comprendre dans ces conditions que les couples homosexuels qui en ont les moyens se tournent vers la procréation médicalement assistée, déjà légale en France, ou même vers la gestation pour autrui en passant par un pays étranger, faute de cadre national. Notre législation met en avant à juste titre l’intérêt des enfants plutôt qu’un supposé « droit » à la parentalité. Ce n’est pas une raison pour ne pas reconnaître une aspiration légitime à s’occuper d’un enfant, quelle que soit son orientation sexuelle.