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Comptes de la folie ordinaire
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 6 juin 2018 10:34
- Écrit par Claude Séné
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C’est par le plus grand des hasards que j’ai entendu parler de cette grève de la faim entamée par des soignants à l’hôpital psychiatrique du Rouvray, près de Rouen. Ils étaient quatre il y a deux semaines, à avoir cessé volontairement toute alimentation pour attirer l’attention sur la dégradation insupportable des conditions d’accueil des patients, en constante augmentation, et l’impossibilité de faire tout simplement leur métier, faute d’effectifs suffisants. Puis ils furent sept, et désormais seulement cinq depuis que deux d’entre eux ont dû être hospitalisés d’urgence en raison d’un affaiblissement mettant leur santé sinon leur vie en péril.
Comment peut-on en être arrivé là ? Dans quel pays sous-développé vivons-nous ? Dans quel désert faut-il crier pour espérer être entendu ? Les grévistes de la faim ne réclament pas des avantages personnels, ils veulent seulement exercer leur profession dans des conditions décentes pour eux et pour les patients. Il manque 52 postes d’infirmiers et d’aides-soignants, et la direction ne propose que l’embauche de 5 contractuels. Une direction prise entre le marteau et l’enclume, selon un processus dramatiquement simple, et une logique infernale. Les budgets progressent très faiblement, cependant que la demande en psychiatrie explose et croît à un rythme exponentiel. Entre 2014 et 2016, l’hôpital du Rouvray a accueilli plus de 8 % de patients supplémentaires. Par le jeu naturel de l’ancienneté et le coup de pouce justifié aux salaires des infirmières et des aides-soignantes, la masse salariale restant constante, il n’est pas besoin d’avoir fait Maths sup » pour comprendre qu’il n’y a qu’une réduction des effectifs qui permette de résoudre, mal, l’équation.
On retrouve dans ce conflit social les mêmes ingrédients que dans les autres, notamment à la SNCF. On assiste à un étranglement par le haut avec un gouvernement qui fixe un objectif technocratique, laissant aux échelons subalternes le soin de régler les problèmes ainsi engendrés. Si l’on était encore au temps de la vapeur (mais en est-on si éloigné en matière de régression sociale ?) on dirait que pendant que les sommités et les dignitaires se prélassent dans le luxe et le raffinement de l’Orient Express, les soutiers transpirent à grosses gouttes pour alimenter la machine. Il aura fallu créer un « grand dérangement » en perturbant massivement l’organisation des transports dans tout le pays et de manière récurrente, pour que le pouvoir daigne s’apercevoir que tout le monde n’était pas convaincu par sa réforme et notamment les principaux intéressés. Et si aucun des protestataires ne passe l’arme à gauche ou ne réussit à intéresser les médias à son sort personnel, on peut parier que les hôpitaux psychiatriques continueront d’être traités par le mépris. C’est beaucoup plus valorisant, et rentable, de rendre visite aux footballeurs de l’équipe de France.
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