Le salon du loto
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 1 juin 2018 10:39
- Écrit par Claude Séné
Vous n’avez pas pu échapper à la campagne de promotion inaugurée hier pour vanter le lancement du tout nouveau jeu de hasard destiné à sauver le patrimoine culturel français. Si ? Bon, je résume. À la rentrée prochaine, vous aurez l’immense bonheur et le privilège insigne de pouvoir dépenser la modique somme de 15 euros pour acquérir un très joli ticket à gratter, adorné de magnifiques reproductions de monuments français en péril. Ce faisant, vous réaliserez une bonne action, puisqu’un euro cinquante-deux centimes sera reversé à la fondation du Patrimoine qui financera la réfection des monuments retenus.
Vous serez donc devenu un mécène, à l’échelle de vos moyens, tout comme un milliardaire esthète tel que François Pinault, détenteur de collections prestigieuses. Pour 15 euros, c’est une affaire ! Et vous aurez peut-être la chance de décrocher un des 6 gros lots d’un million et demi. Ou bien simplement de gagner juste votre mise, ce qui vous permettra de la rejouer lors de l’édition 2019, comme tout bon joueur compulsif qui se respecte. Au pire, vous pourrez encadrer votre superbe bulletin, témoin de votre générosité. Je me permets toutefois un petit conseil. Ne mégotez pas. N’allez pas défigurer votre trophée en grattant la partie réservée aux petits lots de consolation, faisant ainsi preuve d’une mesquinerie qui ne vous ressemble pas. Le gros lot au tirage, ou rien. Ça, c’est classe !
Il convient de féliciter comme il se doit le sémillant Stéphane Bern d’avoir proposé ce moyen original de taxer les Français tout en les frottant dans le sens du poil, et le brillantissime Emmanuel Macron pour l’avoir encouragé dans son initiative. Le beau de la chose, c’est de susciter une contribution volontaire, sans déroger au principe de ne créer aucun nouvel impôt. Je pense que cet exemple devrait inciter l’état à ne pas s’arrêter en si bon chemin pour résoudre les problèmes apparemment insolubles qui gangrènent notre belle société. Je suggère de tirer au sort le chômeur du mois, qui se verra proposer un des derniers CDI, avec tickets restaurant, treizième mois et tout le tralala. De la même façon, les candidats à une greffe d’organe pourraient être départagés par les boules numérotées, puisqu’on sait très bien qu’il n’y en aura pas pour tout le monde. On pourrait aussi attribuer la nationalité française à un migrant pris au hasard, une fois par an, sans attendre que l’un ou l’autre se distingue du lot par un exploit héroïque. Mais le plus intéressant serait à mon avis de modifier la constitution pour que le futur Président de la République soit désigné parmi les 100 % de candidats qui auront tenté leur chance, soit au tirage, soit au grattage. Comment ça, ça ne changerait pas grand-chose ?
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