La poutre et la paille
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 26 avril 2018 10:26
- Écrit par Claude Séné
Prenez un constructeur automobile étranger. Au hasard, Ford. Voilà-t-il pas qu’il veut fermer son usine en France, à Blanquefort près de Bordeaux, sous prétexte qu’elle ne serait plus rentable, alors qu’il a bénéficié en 2013 de plusieurs aides publiques à l’issue d’un chantage à l’emploi. L’industriel américain s’était engagé à maintenir 1 000 emplois pendant 5 ans, une promesse partiellement tenue avec 920 postes pourvus effectivement et 58 agents en congé de longue maladie. L’échéance arrive, et le 24 mai prochain, Ford pourra se tirer après avoir pris l’oseille. La classe politique, à juste titre, va le conspuer comme un seul homme.
Prenons maintenant un constructeur national, toujours au hasard, PSA. Voilà un groupe français exemplaire, qui a connu des difficultés passagères, mais a su les surmonter, en étant dirigé d’une main de maître par son PDG, Carlos Tavares. Au point que le groupe Peugeot a pu se payer un de ses concurrents outre-Rhin, Opel, qui accumule les mauvais résultats depuis près de 20 ans. Mais Monsieur Tavares a sa petite idée pour en faire une bonne affaire. Vous vous en doutez, il s’agit de gagner en compétitivité, et pour cela de « dégraisser » les effectifs en supprimant 3 700 postes sur les 20 000 que compte le groupe allemand. Il se propose aussi de mettre au pas le syndicat IG Metall, très puissant et qui demande une augmentation de salaire de 4,3 %, dont rêveraient bien des salariés français. Tavares a dû aller à l’école macronienne puisqu’il subordonne les investissements de PSA aux résultats et aux performances des ouvriers. Pour tous ses bons et loyaux services, passés et à venir, Carlos Tavares va toucher une prime aux licenciements d’un million d’euros. Elle n’est pas belle la vie ?
Allez, je vois bien que je vous ai plombé le moral pour la journée, alors je finirai sur une note d’espoir. Il se pourrait qu’il y ait une limite à la toute-puissance patronale, et c’est ce que je veux retenir de la mésaventure de Vincent Bolloré, mis en examen à l’issue de sa garde à vue pour des soupçons de corruption en Afrique dans l’attribution de concessions portuaires. Les faits remontent à 2010, et je trouve plutôt réconfortant de penser que même des milliardaires aussi puissants et arrogants que l’industriel breton peuvent se faire rattraper par la patrouille, 8 ans plus tard. Sans préjuger de la procédure et en respectant scrupuleusement la présomption d’innocence, je remarque, comme beaucoup d’observateurs, que l’homme d’affaires a anticipé ses ennuis judiciaires et a démissionné de la présidence du conseil de surveillance de Vivendi au profit de son fils après en avoir fait de même à Canal plus. Si la justice des hommes l’épargne, la justice boursière a déjà frappé avec la chute de 8 % de ses actions.
Commentaires